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La Suisse n'est plus une île face au crime

31 août 2011, 10:30

«Il faut prendre congé du mythe selon lequel la Suisse serait le pays le plus sûr au monde.» Professeur de criminologie à l'Université de Zurich, Martin Killias est catégorique: en constante hausse depuis 20 ans, le taux de criminalité helvétique se rapproche désormais de celui des pays voisins. Pour ce qui concerne les violences et les menaces, ainsi que pour les cambriolages, la Suisse dépasse même la moyenne européenne.

Son constat, Martin Killias l'appuie sur l'étude qu'il a réalisée sur mandat de la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse (CCPCS). Cette enquête consiste en un vaste sondage effectué auprès de 2000 personnes, interrogées sur les infractions dont elles ont été victimes ces 5 dernières années.

Principaux résultats: 7% des sondés ont été victimes d'un cambriolage ou d'une tentative de cambriolage depuis 2006 (ce taux se montait à 5,1% dans la dernière étude, datée de 2004). Et une personne sur dix a subi des violences ou des menaces (contre 7,2% en 2004). Ce sont les hommes de moins de 26 ans qui en sont le plus souvent victimes. Cela dit, la différence avec la classe d'âge 27-29 ans s'estompe, au point que, pour Martin Killias, «il est de plus en plus déplacé de parler de violence juvénile.»

L'alcool mis en cause

De l'avis du scientifique comme des policiers, la hausse de la criminalité, qui prend la rue pour théâtre, résulte de la «société des 24 heures»: les possibilités de sortie le soir ont explosé, l'horaire d'ouverture des bars a été libéralisé, et on peut désormais boire de l'alcool à toute heure. «Cela n'a rien à voir avec un quelconque effondrement des valeurs dans notre société. Il y a simplement plus de monde dans les rues jusqu'au petit matin», analyse Martin Killias.

La thèse d'une hausse de la criminalité ne fait cependant pas l'unanimité. «Il n'est pas vrai de dire que la Suisse arrive au même niveau que l'Europe et que la violence augmente», affirme ainsi Olivier Guéniat, commandant ad intérim de la Police cantonale jurassienne. Et de citer pour preuve le recul du nombre d'homicides, de brigandages à main armée et de lésions corporelles graves ces dernières années. C'est plutôt la violence ordinaire qui croît, selon Olivier Guéniat. «Or, aujourd'hui, on a moins de tolérance vis-à-vis de cette violence, on réagit plus rapidement qu'avant lorsqu'on en est victime, d'où l'augmentation des cas rapportés à la police.»

Martin Killias contre-attaque vigoureusement. «La tendance à s'adresser à la police est restée très stable, elle a même diminué pour certaines infractions. Cela prouve que la statistique policière reflète bien la réalité». D'ailleurs, ajoute le professeur zurichois, des études locales montrent que le sentiment d'insécurité de la population reflète le nombre d'infractions commises dans sa commune. «Les gens ne sont pas bêtes, ils se rendent compte de ce qui se passe». Et Martin Killias d'ajouter: son étude corrobore la statistique policière de la criminalité (basée sur les infractions dénoncées), de même qu'une enquête de la Suva, selon laquelle le nombre de blessures dues à des actes de violence a quasiment doublé entre 1991 et 2006. Dans ces conditions, conclut Martin Killias, pourtant membre du Parti socialiste, «il paraît indéfendable de remettre en cause la hausse de la criminalité.»

A bas les jours-amendes

Mais une fois le constat posé, que faire? Trois mesures s'imposent aux yeux de Pierre Nidegger: d'abord, le code pénal doit être révisé rapidement, et les courtes de peine de prison doivent être réintroduites en lieu et place des jours-amendes.

Ensuite, les policiers doivent être déchargés de la masse de travail administratif qu'induit le nouveau code de procédure pénal fédéral, afin de pouvoir se montrer plus dans la rue.

«Car selon ce sondage, la présence policière dans les lieux à risques est une priorité des citoyens». Enfin, «les effectifs des polices doivent être sensiblement augmentés.»

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