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L'initiative antiminarets est pratiquement inapplicable

L'initiative contre la construction de minarets n'est pas conforme aux engagements internationaux de la Suisse en matière de droits de l'homme. Dans cette mesure, elle est potentiellement inapplicable.

28 oct. 2009, 04:15

Que se passera-t-il si, le 29 novembre, une majorité de citoyens et de cantons acceptent l'initiative interdisant la construction de minarets? Probablement rien. Car il suffira à n'importe quel citoyen de dénoncer ce texte à la Cour de Strasbourg pour que celle-ci entre en matière et le déclare non conforme à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), ratifiée par la Suisse.

Pour le constitutionnaliste Andreas Auer (Zurich), cette initiative est «manifestement contraire» à deux articles de la CEDH: la liberté de religion (art. 9) et l'interdiction de discrimination (art.14). De telles dispositions existent bien dans notre Constitution mais, comme l'initiative est aussi de rang constitutionnel, elle ne ferait qu'introduire une réserve à propos des minarets. Le problème, c'est que la protection des droits de l'homme s'est globalisée: elle figure dans des conventions internationales et échappe désormais à la seule souveraineté nationale. Si la Suisse décide que les initiatives populaires sont au-dessus du droit international, certaines d'entre elles devraient, en cas d'acceptation, entraîner la dénonciation de conventions comme la CEDH.

«C'est théoriquement possible au plan juridique, mais totalement inconcevable politiquement», note Andreas Auer. Autrement dit, nous sommes liés, qu'on le veuille ou non. Faut-il alors restreindre les droits populaires, en déclarant irrecevables les initiatives non conformes aux droits de l'homme? C'est effectivement une question à régler: le droit suisse n'apporte pas de réponse.

Les choses sont claires lorsqu'il s'agit de la vie ou de l'intégrité physique (torture): une initiative qui toucherait à ces valeurs serait annulée pour non-conformité au «droit international impératif». Mais, pour les droits de l'homme en général, il y a un conflit non résolu entre droits populaires et conventions internationales. Une solution est toutefois en discussion au Parlement. Plutôt que de restreindre le droit d'initiative, on pourrait donner au Tribunal fédéral la compétence de juger si une initiative est contraire aux droits de l'homme. C'est ce que propose le conseiller national Daniel Vischer (Verts /ZH). Car, depuis quelques années, les initiatives conflictuelles à cet égard se sont multipliées (imprescriptibilité de certains crimes, expulsion d'étrangers, minarets).

Pour le député zurichois, il n'est pas admissible de lancer des initiatives dont on sait, à l'avance, qu'elles ne pourront pas être appliquées, ou que très partiellement. En attendant, note de son côté Andreas Auer, il faut le dire clairement au peuple. Pour qu'on ne vienne pas, ensuite, accuser le droit international: la responsabilité est bien du côté de ceux qui lancent des initiatives inapplicables. /FNU

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