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Initiative pour une Suisse sans armée: il y a 30 ans, la grande muette a senti le vent du boulet

Le 26 novembre 1989, le peuple suisse s’est exprimé sur une initiative qui a fait couler beaucoup d’encre, celle pour une Suisse sans armée. Elle récoltera 35% de oui. Un résultat qui a fait blêmir les défenseurs de la grande muette.

26 nov. 2019, 14:25
Le 26 novembre 1989, jour du scrutin, des gens manifestent encore, ici à Bâle, pour l’adoption de l’initiative "Pour une Suisse sans armée et une attitude politique globalement pacifique".

35% de oui qui ont sonné comme une victoire: c’était le 26 novembre 1989 quand l’armée suisse a tremblé face à l’initiative populaire qui voulait la supprimer. Aujourd’hui les initiants affirment que leur texte a eu «une influence décisive sur l’évolution de l’armée».

Cette dernière a en effet perdu considérablement en influence depuis, et le service civil représente désormais une véritable alternative au service militaire, écrit le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) dans un communiqué. Ce dernier se souvient de l’atmosphère de ce dernier dimanche de novembre 1989, à peine 15 jours après la chute du Mur de Berlin.

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Le très bon score de l’initiative a représenté un véritable coup de tonnerre pour l’armée, ajoute le GSsA. La surprise fut telle, selon lui, qu’à l’annonce du résultat ce furent bien les défenseurs de l’armée qui avaient des airs de défaite. L’initiative a entraîné une remise en question en profondeur du rôle de l’armée suisse, affirme 30 ans plus tard le GSsA.

 

Le 1er juin 1992, le Groupe pour une Suisse sans armée remet à Berne les signatures collectées pour son initiative contre les F/A-18. Keystone archives

 

«La catastrophe à 18%»

Le gouvernement voulait transformer l’initiative en un acte de légitimation de la politique militaire. A peine élu au Conseil fédéral en février 1989, Kaspar Villiger, alors chef du Département militaire fédéral, déclarait à la presse qu’«un taux d’acceptation de 18% représenterait une véritable catastrophe pour le pays».

Aussitôt le résultat connu, le Conseil fédéral et les partis bourgeois ont cependant contenu leur surprise, à l’image du Parti libéral. Selon lui, sachant que l’initiative serait enterrée, un certain nombre de votants ont exprimé leur malaise sans toutefois vouloir supprimer l’armée.

Armée 95

Le Parti radical a lui interprété la proportion élevée de "oui" "comme l’expression de la volonté de réformes dans l’armée, et donc pas un vote de défiance à l’égard de la politique suisse de sécurité. Or le projet "Armée 95" tient déjà compte de cette volonté de réforme manifestée par le souverain, précisait-il.

Paraissant le visage un peu soucieux devant la presse le dimanche après-midi du vote, Kaspar Villiger estimait lui aussi que le projet "Armée 95" était encore trop peu connu. Il invoquait néanmoins "la situation internationale de détente, mais aussi de nombreux motifs de mécontentement au sujet de l’armée. 

Je suis décidé à approfondir toutes les critiques exprimées par ces votes de semonce.
Kaspar Villiger, chef du Département militaire fédéral, de 1989 à 1995

 

La paix

Dix jours avant la votation, ce dernier avait présenté aux médias la Division des mesures de politique de paix. Ce nouvel organe de décision chargé de l’exécution de toute mesure en relation avec un traité ou une convention dans le domaine de la confiance et de la sécurité allait entrer en vigueur dès 1990.

Le conseiller fédéral n’a nullement eu une réaction de panique à l’approche de la votation. Le principe d’une telle Division avait déjà été annoncé au mois de mai, mais sa mise en place a été plus lente que prévu, avait dit M. Villiger, pressé par les questions des journalistes.

D’autres, à droite, n’ont pas caché leur inquiétude et leur stupeur le 26 novembre 1989. A l’instar de l’UDC, pour laquelle la forte participation était un signal indiquant qu’il fallait modifier certaines choses au sein de l’armée.

Message compris

Mais c’est surtout à gauche que la surprise s’est le plus fortement manifestée. Ainsi, le PS a relevé «l’immense malaise» de la population envers la politique militaire pour exiger une réduction sensible des crédits pour l’armement et une accélération de la mise en place d’un véritable service civil.

La mobilisation populaire et le résultat du vote ont déployé leurs effets à long terme, «réduisant considérablement ce rôle de l’un des piliers de la société suisse, une 'vache sacrée' intouchable», écrit encore le GSsA.

Amaigrissement

Quelques chiffres illustrent cette évolution: entre 1989 et 2019, l’effectif de l’armée a fondu de 625’000 à 140’000 individus, cela sans compter la baisse drastique du personnel du Département fédéral de la défense. Dans le même temps, le budget de l’armée a passé de 5,5 milliards de francs (7,6 milliards en valeur d’aujourd’hui) à 4,8 milliards, a précisé à Keystone-ATS le porte-parole de l’armée Daniel Reist.

Le combat antimilitariste reste indéniablement d’actualité 30 ans plus tard, constate pour sa part le GSsA. L’armée n’est certes plus la même qu’en 1989, mais elle demeure une institution forte qui engloutit chaque année des milliards de francs. Le récent vote du Parlement pour les avions de combat est un rappel piquant, indique le GSsA.

 

En savoir plus : Site du Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA)

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