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Hydrologie: la crise financière de 2008 se lit dans les sédiments du lac Léman

Depuis 1980, l’apport de sédiments dans le lac Léman et dans le Rhône ne cesse d’augmenter. En cause, la crise financière de 2008 (avec la réduction des activités d’extraction dans les eaux) et la fonte des glaciers due au changement climatique.

02 juil. 2019, 19:03
Selon Stuart Lane, ces résultats montrent que l’analyse de la sédimentation s’inscrit dans le concept de la 'glocalisation', un terme utilisé dans le monde des affaires (illustration).

L’apport de sédiments dans le Rhône et le lac Léman est à la hausse depuis les années 1980 en raison de la fonte des glaciers. On peut également y observer la baisse des activités de construction liée à la crise financière de 2008.

Ce travail multidisciplinaire publié dans la revue Scientific Reports a réuni des scientifiques des universités de Lausanne, Berne et Genève ainsi que de l’EPF de Zurich, a indiqué mardi le Fonds national suisse (FNS) dans un communiqué.

Les chercheurs ont recueilli des informations sur l’évolution depuis les années 1960 de la sédimentation dans le lac Léman et dans la vallée du Rhône en amont.

«Nous avons fait une sorte d’analyse du cycle de vie des sédiments dans un bassin hydrologique très étendu, ce qui constitue une première en Europe», note Stuart Lane, de l’Université de Lausanne, premier auteur de l’article. L’étude révèle un tournant dans les années 1980: les taux de sédimentation dans le lac Léman ont cessé de décroître pour virer à la hausse. Ils ont depuis lors plus que doublé.

Le résultat s’est avéré surprenant pour les scientifiques, car les barrages bloquent le transport des sédiments et le nombre croissant de centrales hydroélectriques dans les Alpes devrait réduire la vitesse d’accumulation des sédiments dans le lac Léman.

 

 

Fonte accélérée

Mais en fait, les particules empruntent également des rivières dont le flot n’est pas entravé ou via des structures spécifiques qui leur permettent de contourner les barrages. De plus, le retrait des glaciers induit une libération accrue de sédiments.

«Leur fonte accélérée par le changement climatique apporte des sédiments additionnels dans les ruisseaux et les rivières», explique Fritz Schlunegger, professeur à l’Université de Berne et directeur du projet, cité dans le communiqué.

 

 

Autre surprise: les scientifiques ont observé une hausse de l’apport de sédiments depuis 2008, un phénomène qu’ils ont pu relier à la réduction des activités de construction suite à la crise financière internationale.

«En Valais, des entreprises extraient du sable et du gravier du Rhône pour produire des matériaux de construction tels que le béton», explique Stuart Lane. «Lorsqu’elles réduisent leurs activités d’extraction, la quantité de sédiments qui atteignent le lac Léman augmente, ce qui est bien visible sur nos données», ajoute le spécialiste.

«Ces résultats montrent que l’analyse de la sédimentation s’inscrit dans le concept de la 'glocalisation', un terme utilisé dans le monde des affaires», poursuit Stuart Lane.

Appréhender ce phénomène exige de l’envisager comme une combinaison de processus globaux – ici, le changement climatique et la crise financière de 2008 – et de facteurs locaux, comme la production hydroélectrique et les activités de construction.

 

 

Drones et des carottes

L’étude a combiné différentes techniques. Des scientifiques de l’Université de Genève ont extrait des carottes de sédiments du fond du lac et les ont datés au moyen d’analyses radio-isotopiques de césium, dont les traces peuvent être reliées aux explosions nucléaires du passé.

L’équipe lausannoise a enregistré la quantité de sédiments produits par les glaciers et suivi leurs déplacements dans les rivières et canalisations; elle a utilisé des caméras mesurant la turbidité de l’eau et des drones cartographiant la hauteur du lit des cours d’eau asséchés. Elle a également analysé les données historiques mises à disposition par le Valais et les entreprises hydroélectriques.

Leurs collègues de l’Université de Berne ont déterminé les taux d’érosion ainsi que l’origine géographique des échantillons par des analyses géochimiques. Enfin, l’équipe de l’EPFZ a effectué des analyses statistiques des données historiques fournies par Météosuisse et par l’Office fédéral de l’environnement.

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