L'éviction de Christoph Blocher constitue un de ses hauts faits d'armes au Parlement. Mais quatre ans plus tard, ce coup de maître pourrait se retourner contre le conseiller aux Etats socialiste fribourgeois Alain Berset, s'il se lance, comme tout le monde s'y attend, dans la course à la succession de Micheline Calmy-Rey au Conseil fédéral.
«Alain Berset ne récoltera pas un suffrage de notre part. Il est un des tireurs de ficelles de la non-réélection de Christoph Blocher», clamait ainsi le conseiller national UDC fribourgeois Jean-François Rime dimanche dans la «SonntagsBlick». Hier, il persistait et signait: «A l'UDC, nous avons fait le deuil de Christoph Blocher au Conseil fédéral. Mais Berset, Levrat, Darbellay et Schwaller et quelques autres, c'est pour nous toujours drapeau rouge. Si ces gens pensent pouvoir s'adonner à des combines sans devoir en supporter un jour les conséquences, ils se trompent!»
Duel à distance
Rime qui savonne la planche de Berset, rien d'étonnant à cela. Lors des élections fédérales du 23 octobre, l'entrepreneur gruérien attaquera le siège du socialiste au Conseil des Etats, bien qu'avec des chances limitées de succès. Les deux hommes se livrent également un duel à distance pour le Conseil fédéral. Jean-François Rime rêve en effet de brûler la politesse à son jeune collègue en se faisant porter au gouvernement à la place d'Eveline Widmer-Schlumpf.
Cette même Widmer-Schlumpf qu'Alain Berset a contribué à faire élire à la place de Christoph Blocher. Dans une enquête minutieuse parue en février 2008 dans «Le Temps», le journaliste Ron Hochuli affirme que c'est lui qui, en janvier 2007, «insiste pour que soit élaborée une stratégie contre Christoph Blocher.» Ce que l'intéressé conteste aujourd'hui. Ce qui est avéré, par contre, c'est qu'il a assuré le soutien du Parti démocrate-chrétien (PDC) à la manuvre via son collègue sénateur fribourgeois Urs Schwaller. Et la veille au soir de l'éjection du tribun zurichois, Alain Berset menait les dernières tractations décisives avec son compère Christian Levrat et les présidents du PDC et des Verts Christophe Darbellay et Ueli Leuenberger dans le lobby de l'hôtel Bellevue, à Berne, comme en atteste une photo devenue mythique.
Mémoire d'éléphants
A l'UDC, ce rôle actif a laissé des traces. «Alain Berset est un Byzantin, et cette affaire n'est que la pointe de l'iceberg», affirme le Valaisan Oskar Freysinger. «Peut-être suis-je un peu rancunier. Mais je suis comme un éléphant, je n'oublie pas», assène le massif Zurichois Toni Bortoluzzi, compagnon de route de Christoph Blocher. Pour le président de l'UDC suisse, Toni Brunner «Alain Berset s'est réjoui trop ostensiblement de l'éviction de Christoph Blocher. Ce n'était tactiquement pas très intelligent. Chez nous, les gens n'ont pas oublié. Urs Schwaller peut en témoigner.» Candidat au Conseil fédéral en 2009, pour un siège libéral-radical, le PDC fribourgeois n'avait pas fait une voix à l'UDC, sans qu'aucun mot d'ordre n'ait dû être donné.
Tout soutien de certains UDC n'est pour autant pas exclu pour Alain Berset. «Sa participation active est un point très négatif, mais pas décisif», estime Hans Fehr (ZH). «Pour nous, l'important est que nous récupérions notre deuxième siège. Une fois les choses revenues à la normale, nous pourrons tourner la page», ajoute le Neuchâtelois Yvan Perrin.
Fidèle lieutenant de Christoph Blocher, Christoph Mörgeli affirme de son côté que l'attitude de l'UDC vis-à-vis de Berset dépendra d'abord du soutien qu'apporteront les socialistes à sa tentative de récupérer un deuxième siège au gouvernement. «Son rôle en décembre 2007 n'est pas clair. En tout cas, il ne s'est pas vanté, contrairement à d'autres.» Le vote UDC dépendra aussi du deuxième candidat officiel du PS, poursuit Mörgeli. Or, «Pierre-Yves Maillard est un étatiste. Ce n'est pas le profil dont le pays aurait besoin».
A l'UDC, PYM pourrait malgré tout engranger pas mal de voix. Dont celle de Guy Parmelin. «Pas pour punir Berset, mais parce qu'il est Vaudois.»