L’Aquarius, qui secourt des migrants en mer Méditerranée, est en passe d’être apatride. Privé du pavillon panaméen une fois qu’il aura accosté à Marseille, le navire humanitaire ne pourra pas reprendre la mer. Pour y remédier, les conseillers nationaux Guillaume Barazzone (PDC/GE), Ada Mara (PS/VD) et Kurt Fluri (PLR/SO) ont déposé une interpellation au Parlement pour demander au Conseil fédéral que le bateau puisse naviguer sous les couleurs helvétiques. La verte bernoise Aline Trede prévoit également de déposer une motion sur le sujet.
Des sauvetages apolitiques
«Ces démarches que nous saluons ont été entreprises de manière indépendante», souligne Julie Melichar, porte-parole de SOS Méditerranée Suisse, l'ONG, qui affrète le navire. Si le sort de L’Aquarius se joue sur un terrain politique, les actions de sauvetage, elles, sortent de ce cadre. «Le secours en mer se politise, parfois au détriment de vies humaines», déplore la jeune femme, notamment en référence à la décision du gouvernement panaméen de priver le bateau de pavillon.
Elle dénonce une influence internationale. «Ce sont les pressions de l’Italie et non des vices juridiques qui ont conduit le Panama à faire ce choix. L’Aquarius a toujours opéré en respectant le droit international et répond à toutes les normes techniques exigées», assure la Neuchâteloise.
L’UDC contre
Sous la coupole, le sort de L’Aquarius fédère (Verts, PS, PDC, PLR) davantage qu’il ne divise. Seule l’UDC s’est positionnée, pour l’heure, contre un octroi du pavillon suisse au navire. «Ça n’a rien d’humanitaire d’organiser un transport illégal de migrants», assure le conseiller national Yves Nidegger (UDC/GE). Il estime que les actions menées par SOS Méditerranée desservent la cause migratoire puisqu’elles «poussent des gens à risquer leur vie». Et d’ajouter: «le message intelligent, c’est dire: restez chez vous et développez le pays».
Cosignataire de l’interpellation, Guillaume Barazzone (PDC/GE) désapprouve. Il estime que les opérations de secours respectent le cadre légal puisqu’elles ont cours en eaux internationales. «Ces gens sauvent des vies au large de la Méditerranée et non sur les côtes. Ils viennent en aide à des personnes qui ont été obligées de quitter leur pays à cause de la guerre ou de la pauvreté». Selon le Genevois, ce n’est pas L’Aquarius qui incite des migrants à prendre la mer, mais leur «situation de détresse».
Au Conseil fédéral de décider
Selon l’article 35 de la loi fédérale sur la navigation maritime, le Conseil fédéral peut, à des fins philantropiques ou humanitaire, «exceptionnellement» autoriser un bateau à flotter sous le pavillon suisse. «À situation exceptionnelle, décision exceptionnelle», résume Guillaume Barazzone. «Non», détonne Yves Nidegger pour qui, la situation ne peut être qualifiée d’urgente. «Il n’y a donc aucune base légale pour délivrer un pavillon suisse», conclut-il.
Reste à savoir quand (et si) le Conseil fédéral prendra position. Sans réponse claire, L’Aquarius risquerait bien de se retrouver en eaux troubles.