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Cherche pilote pour siège éjectable

16 juin 2011, 10:27

Ce devait être un simple coup de semonce. Il est parti tout seul, et il ne s'agissait pas de balles à blanc. Le procureur général de la Confédération ne s'en relèvera pas. A la surprise générale, Erwin Beyeler, 59 ans, n'a pas été réélu hier matin par l'Assemblée fédérale, qui choisissait pour la première fois le patron du Ministère public de la Confédération (MPC) - un droit qui était l'apanage jusque-là du Conseil fédéral. Le libéral-radical schaffhousois, en poste depuis 2007, a manqué la majorité pour cinq voix. Il n'a réuni que 109 voix sur 227 bulletins valables, alors que la commission judiciaire du parlement et quasiment tous les partis, à l'exception notable de l'UDC, proposaient de le réélire, même sans enthousiasme.

Dans le secret des urnes, Erwin Beyeler a toutefois cristallisé les mécontentements de tous bords. On lui reprochait qui son activisme, qui sa passivité en matière de criminalité économique; on déplorait son manque d'envergure et son profil effacé de chef d'office; on mettait en doute ses compétences juridiques et son absence de résultats - en clair, de condamnations. De son côté, et au risque d'oublier que c'est l'ancien ministre de la Justice Christoph Blocher qui l'avait proposé au poste de procureur général, l'UDC n'a pas pardonné à Erwin Beyeler le procès intenté pour blanchiment d'argent de la drogue contre le banquier Oskar Holenweger, qui a fini acquitté sur toute la ligne. Pas digéré, non plus, le rôle de Beyeler dans le présumé complot qu'aurait ourdi l'ancien procureur fédéral Valentin Roschacher contre l'ex-ministre et éternel stratège de l'UDC.

«Ces reproches n'ont aucune base factuelle crédible», déplore le conseiller aux Etats et ancien procureur tessinois Dick Marty, qui accuse les parlementaires d'avoir perdu hier le sens des responsabilités: «Si on ne voulait pas élire M. Beyeler, il aurait fallu présenter une alternative.» A mots couverts, Dick Marty soupçonne l'UDC d'avoir «voulu donner un signal précis afin que le MPC ne s'occupe pas d'affaires bancaires et de criminalité économique, mais de dossiers plus banals». Vice-président de l'UDC suisse, Yvan Perrin accrédite indirectement sa thèse: «Je ne suis pas sûr qu'il faille dépenser une énergie considérable dans de grandes enquêtes sur le blanchiment d'argent. Cela me paraît un peu ambitieux.»

Un vrai chef

Satisfait d'avoir fait trébucher Erwin Beyeler, Yvan Perrin appelle maintenant de ses vœux l'élection d'un vrai chef capable d'imposer sa ligne à des procureurs fédéraux très jaloux de leur indépendance. Cette perle rare existe-t-elle seulement? Partisan lui aussi du changement de tête au MPC, Carlo Sommaruga (PS/GE) ne s'attend pas à un foisonnement de candidatures. «J'ai de la peine à imaginer qu'un procureur cantonal bien profilé accepte à venir à Berne dans ces conditions», enchérit Dick Marty. Le poste, on le sait, est très exposé, et moins bien rémunéré que dans les cantons.

La recherche d'un successeur pour le 1er janvier 2012 s'annonce d'autant plus compliquée que les délais sont très serrés. Son élection aura lieu en effet lors de la session de septembre des Chambres fédérales déjà. Une mise au concours sera publiée tout soudain, et les candidats devront probalement s'annoncer d'ici au 29 juillet. Une chose est sûre: ils réfléchiront à deux fois avant de s'asseoir sur un siège vacant, certes, mais éjectable. Et s'ils osent, gare à la suradaptation: «Il faudra faire attention que le nouvel élu ne focalise pas son attention dès le premier jour sur sa réélection», avertit Urs Schwaller (PDC/FR). Christian Levrat, président du Parti socialiste suisse, abonde: «J'espère que le vote d'aujourd'hui ne conduira pas à un repli et à une timidité du futur procureur général».

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