Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Celui qui voulait voir Kim Jong-un

Un Lausannois raconte son incroyable expédition en Corée du Nord.

16 janv. 2016, 00:49
DATA_ART_9792916

Si, en 2013, Olivier Racine n’avait pas croisé Michel Onfray dans une brasserie d’Ouchy, eh bien on n’en serait pas là.

Avec son bagout impressionnant, ce Lausannois, aventurier, farceur et grand voyageur aux 400 coups dans sa besace (voir son site), a, en plus de quelques bières, saoulé le philosophe de son discours volubile. Il lui a narré par le menu ce voyage un peu fou effectué en Corée du Nord, en 2012. «Il m’a dit: “Ecrivez un récit mordant et acéré qui mette en scène ce pays, votre projet et Yann Moix”, et je l’ai fait!», résume-t-il pour justifier la récente parution de son livre «Cervin et Toblerone en Corée du Nord».

Ovni littéraire, extraterrestre romancier

Dans son découpage, son propos et son style, l’ouvrage ne correspond pas aux vues de l’intellectuel français, qui a refusé d’en être le préfacier, mais qui s’en trouve quand même le dédicataire. Ce livre, qui multiplie digressions, anecdotes et commentaires, colle à l’expression touffue d’Olivier Racine, qui reste malgré tout «un gars structuré».

Sur son blog dédié à la littérature romande, Amandine Glévarec parle d’ailleurs joliment «d’ovni littéraire», produit par «un extraterrestre romancier».

Car, pour être fiction, la littérature se doit d’être vraisemblable. Parfois davantage même que la réalité. Ainsi, quand on lit des histoires incroyables, on se demande «où l’auteur a été cherché tout ça». Et quand on tombe sur un récit aussi authentique qu’abracadabrantesque, on pense «mais ce n’est pas possible, il a dû l’inventer». Et quand on lit cette «aventure racinienne», la matière au bizarre est indéniable. Qu’on en juge!

A la suite d’un pari sans doute inqualifiable, l’homme s’est mis en tête d’aller remettre à Kim Jong-un, le seul petit gros de Corée du Nord (et à son régime?), un méga-Toblerone accompagné d’un caillou gravé à son nom. Un bout de rocher qu’Olivier Racine est allé, à la force du piolet, lui cueillir en personne au faîte du Cervin, «après une course de 12 ou 13 heures», souligne-t-il.

A ce niveau de l’histoire, la trame fleure déjà bon «l’interview qui tue». Quelque chose d’un peu potache certes, mais au pays du «juche» et de la paranoïa crypto-stalinienne, ça semble assez – au cas où les choses tournent bien – pour passer quelques années à manger du bouillon d’écorce dans un camp de rééducation par le travail en regardant passer des missiles balistiques qui indiquent le sud.

Mais Olivier Racine a peut-être un point commun avec la dynastie Kim, une tendance à être du genre «envahissant». Pas de la même façon bien sûr. Car lui, il est partageur. Il aime raconter.

Sa nature généreuse laisse volontiers déborder le commercial qu’il est de toutes ses fibres. Oliver Racine, quand il a un truc à placer, il place son pied dans la porte et ne laisse pas à l’autre le moyen d’en placer une.

Alors, du haut de son mètre nonante-deux, cet ex-vendeur, qui a plus d’une fois cumulé les meilleurs résultats dans les boîtes où il est passé, n’est pas du genre à se laisser impressionner. Ni par des diplomates, des douaniers ou des fonctionnaires de Pyongyang.

Ni même par quelque représentant de la fine fleur parisiano-médiatique que le hasard (mais y en a-t-il un?) a placé sur son chemin.

Moix s’en mêle

Car, comme si l’histoire n’était pas déjà assez frappadingue, il croise en effet sur les bords du Taedong l’écrivain-réalisateur français Yann Moix, fasciné par le pays.

Ils fréquentent le même groupe de touristes qui visite villes, fermes, stades, usines et autres fleurons édifiés par la grâce du socialisme réel et du plan. «Je lui raconte mon projet. Il trouve ça génial. Il dit qu’il veut éditer mes précédents textes restés à l’état de manuscrits. Il dit qu’il veut me faire jouer dans le film qu’il veut tourner en Corée du Nord avec Jean-Claude Van Damme. Un vrai truc de dingues!», s’étonne Oliver Racine.

Pendant ce temps-là, l’homme au Toblerone reste chocolat dès qu’il s’agit de remettre en mains propres ses cadeaux «Swiss made» à un chef d’Etat un rien quérulent. Mais on ne claque pas la porte, fût-ce celle d’un pays geôle, sur le nez d’un camelot de cet acabit sans le laisser partir bredouille.

Un quelconque adjoint d’un sous-dignitaire a donc pris les cadeaux et on a remis à Olivier Racine ce qu’il présente comme «le pin’s officiel du régime. Un truc que l’on donne normalement à des Russes ou à des Chinois. Et encore, sur 150 personnes qui le demandent, il n’y en a qu’une qui le reçoit», poursuit-il. Ainsi, entre son idée de départ et cette décoration, Olivier Racine conquiert l’admiration de Yann Moix, qui le décrit alors «comme un homme qui veut faire de sa vie une œuvre d’art».

Il se noue entre eux une relation privilégiée qui s’accompagne de multiples références faites par l’écrivain à l’action d’Olivier Racine sur le site de «La règle du jeu», la revue fondée par Bernard-Henri Lévy.

Mais les promesses qui ont bourgeonné en Corée ne fleurissent pas entre Paris et Lausanne. Commencée dans l’ardeur des amitiés nouvelles, la relation s’étiole puis s’enlise dans une fâcherie toute parisianiste et germanopratine. Une sombre histoire de courriels échangés entre Moix et Lévy qui finissent par échouer dans les mémoires du PC d’Olivier Racine achève de la torpiller sur fond d’incompréhensions mutuelles.

«Je voudrais quand même qu’on s’explique», poursuit le Lausannois, qui s’étonne que, du jour au lendemain, tous ces accès parisiens lui soient aussi verrouillés qu’un bunker nord-coréen. Une attitude qu’il résume à la «Tonton flingueur»: «Je ne suis pas sorti indemne de Pyongyang pour me faire refroidir à Paris.»

A Paris en tracteur

Et maintenant que le livre vit sa vie, Olivier Racine poursuit un autre défi. Celui de se faire inviter par le sieur Moix sur le plateau de l’émission de Laurent Ruquier «On n’est pas couché», où il exerce ses talents de chroniqueur. Et là, même pas peur de se faire allumer dans la capitale? «Si ça marche, j’y vais en tracteur», rigole-t-il déjà en pensant à ce futur pari (Paris?).

Désormais, il va falloir être fidèle au poste, des fois qu’il nous envahisse un studio…

Dans cette expédition ahurissante, les motivations politiques n’ont jamais constitué le ressort principal d’Olivier Racine. Même si le ministère des Affaires étrangères français, celui de Laurent Fabius (si, si), s’est dûment manifesté par lettre auprès de l’éditeur pour recevoir un exemplaire de l’ouvrage. «Ce qui m’a intéressé, c’est le contact avec les gens. Partout dans la rue, ou dans les lieux officiels, je suis parvenu à les faire rire. C’est ça qui compte. On est d’abord des humains, non?»

Et à la fin, que reste-t-il de cette aventure? Un type gentiment envahissant qui a quitté la Corée du Nord «avec bien plus de questions que je n’en avais en arrivant». Et dire que tout ça, c’est la faute de Michel Onfray.

Il y aurait comme qui dirait matière à philosopher non?

Votre publicité ici avec IMPACT_medias