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Arc lémanique: des EMS ouvrent leurs portes aux assistantes sexuelles

Des assistantes sexuelles pourraient être embauchées dans des EMS de Lausanne et Genève.

01 mai 2014, 11:02
Cinq employés ont été licenciés d'un home médicalisé pour personnes âgées à Rehetobel (AR) pour avoir eu un comportement indigne envers les pensionnaires.

Face aux besoins sexuels de certains résidents, plusieurs institutions pour personnes âgées à Lausanne et à Genève planchent sur des projets pour accompagner et encadrer leurs attentes. Le recours aux assistantes sexuelles en fait partie.

"Le sexe ? Oui, ça m’arrive d’y penser. Parfois." A 91 ans, ce résident de l’établissement médico-social (EMS) La Paix du Soir, au Mont-sur-Lausanne, a perdu il y a quelques années sa compagne, à qui il rendait souvent visite dans un autre EMS. Mais il garde l’envie de plaire, de séduire. En témoignent le flacon de parfum sur sa table et ses quelques bouteilles de porto. "J’invite parfois l’une ou l’autre de ces dames à prendre un petit verre dans ma chambre." Sans aller plus loin, "même si j’aimerais bien pouvoir en peloter une de temps en temps", plaisante-t-il.

"Les besoins sexuels des aînés sont une réalité et un nombre significatif d’entre eux demeurent actifs, même à un âge très avancé", relève le Dr Francesco Bianchi-Demicheli, spécialiste en médecine sexuelle au département de gynécologie obstétrique aux Hôpitaux universitaires de Genève. Et de citer deux études, l’une américaine de 2007 et l’autre française réalisée en 2009, dont les résultats se rejoignent: environ un quart des sondés de plus de 70 ans disent avoir eu une activité sexuelle au cours des mois précédant l’enquête.

Responsable de la direction des soins à la Paix du soir, Catherine Schneider œuvre depuis son arrivée à l’institution, en 2006, pour que les besoins sexuels de ses résidents soient pris en compte. Mettre à leur disposition des panneaux "ne pas déranger" à placer sur la porte, retirer la sonde de cet homme ou la protection urinaire de cette femme pour lui permettre de se masturber: des solutions existent.

Besoin de contact physique

Mais pour d’autres, "des hommes surtout", le contact physique demeure primordial. Selon Catherine Schneider, les services d’assistantes sexuelles, actives dans les foyers pour handicapés, pourraient être une réponse à leurs besoins. "Une réunion entre la direction et les médecins doit avoir lieu en mai, au plus tard en juin, pour discuter d’une ligne de conduite."

D’autres EMS ont tenté l’expérience avec succès, notamment La Fondation Mont-Calme, à Lausanne, depuis 2012. "Nous avions quelques ennuis avec un résident, qui molestait parfois les soignantes", explique Eliana Crausaz animatrice socio-culturelle et initiatrice du projet. "Depuis qu’il a pu exprimer ce besoin, nous avons constaté des changements très positifs, pour lui comme pour les collaborateurs."

L’activité sexuelle a des effets bénéfiques prouvés sur la santé globale des individus, notamment au niveau cardiovasculaire, rappelle le Dr Bianchi-Demicheli. Et sur l'humeur. "Il est important que les institutions laissent l’espace nécessaire pour exprimer ce désir. Pour autant bien sûr que celui-ci ne soit pas lié à une pathologie et que la personne bénéficie de son discernement", ajoute-t-il.

Le poids des préjugés

La démarche nécessite un accompagnement spécifique, notamment pour le personnel soignant, explique Eliana Crausaz. "La première étape sera d'informer et former les personnes qui sont directement en contact avec les résidents", indique Catherine Schneider.

"Le sexe tarifé fait l’objet de nombreux préjugés", relève Judith Aregger, l’une des premières assistantes sexuelles formées en Suisse. Elle a été contactée l’an dernier par un EMS genevois, dont elle préfère taire le nom. Après sa visite, le personnel, rassuré, a mieux accepté l’idée de la croiser dans le bâtiment occasionnellement. "Ils ont vu que je n’étais pas habillée en bas résille, décolleté plongeant et maquillage outrancier, et que je ne venais pas aguicher tous les hommes de l’établissement."

En plus de ces a priori, "les institutions emploient des personnes de générations, d’éducations et de cultures très variées, pour qui parler de sexualité n’est pas toujours une évidence", relève Léa Herquel, auteure d’un mémoire de bachelor en travail social sur la sexualité en EMS. Ses recherches ont attiré l’attention de la direction de l’établissement Notre-Dame à Genève, qui l’a engagée l’an dernier au terme de sa formation. Avec pour mandat de mettre en place dès cet automne un projet pour encadrer la demande sexuelle de ses résidents.

Famille et respect de la sphère privée

Quid des familles ? "Si les personnes concernées ont leur capacité de discernement, elles n’ont pas à être informées. Il en va du respect de la sphère privée du résident", selon Catherine Schneider. Même son de cloche à la Fondation Mont-Calme, où ce service, dont le coût oscille entre 130 et 150 francs, est mentionné sur les factures comme une simple prestation bien-être.

De quoi ébranler le tabou entourant la sexualité des personnes âgées. "Elle dérange, car elle nous renvoie à celle des parents, ce qui est inconcevable pour la plupart des individus", analyse le Dr Bianchi-Demicheli. A quoi s'ajoute la gêne pesant sur le sexe en général, dans des établissements souvent fondés par des communautés religieuses.

Le secrétaire général de l’Association vaudoise d'EMS, Tristan Gratier, juge d’ailleurs que la démarche de ces établissements "peut interpeller sur le plan moral. Mais chaque situation doit être analysée au cas par cas". La faîtière Curaviva Suisse observe une tendance à l'ouverture sur ce thème. "C’est positif", selon son porte-parole Dominik Lehmann, "et cela peut contribuer au bien-être des personnes placées en institution."

Des propos auxquels font écho ceux de cet autre résident de La Paix du Soir, âgé de 86 ans: "La sexualité est une énergie positive, elle nous rend vivants !"

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