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Quand ça tourne à l'affaire de famille

Le ski féminin de haut niveau tourne souvent à l'affaire de famille. Lindsey Vonn, Janica Kostelic, Anja Paerson, Veronika Zuzulova ou Sarka Zahrobska ont toutes fêté leurs premiers succès sur les lattes sous la direction de papa. Les velléités d'émancipation de Lara Gut de la structure fédérale ne sont pas isolées.

08 janv. 2011, 08:45

Lara Gut revendique son indépendance. La skieuse tessinoise a adressé en décembre à Swiss-Ski un courrier rédigé par son avocat qui sollicitait «un assouplissement des règles en matière de parrainage individuel». La motivation naît d'une «liberté économique trop entravée». Cette révolution vise à l'instauration d'un nouveau régime qui dépasse l'autonomie sportive dont elle bénéficie déjà avec un encadrement technique privé. «Elle veut le beurre et l'argent du beurre», résument clairement de nombreux observateurs, soit se mouvoir en toute liberté tout en bénéficiant des services de la fédération.

Patron des Suissesses de 2006 à 2010 et expatrié chez les Canadiennes aujourd'hui, Hugues Ansermoz est un interlocuteur privilégié pour évoquer cette volonté d'émancipation. «Elle ne me surprend pas. Nous avons slalomé durant deux ans à coups de grands compromis. Lara possède un énorme potentiel en matière économique, mais quel sponsor investirait de l'argent pour s'afficher uniquement sur la veste de Pauli, son père? On parle aujourd'hui d'un budget de 500 000 francs pour le Team Gut. Se lancer toute seule sur le circuit exigerait de tripler le montant. Ils essayent donc de tirer le plus possible de la couverture à eux. Une petite entorse au règlement de la fédération dans le domaine publicitaire peut valoir de beaucoup d'argent.»

Hugues Ansermoz envisage-t-il un exil de la Tessinoise, désormais citoyenne schwyzoise? «Non, sauf dans un pays sans structure comme Monaco, puisque les grandes fédérations interdisent ces pratiques. La FIS porte une attention particulière à ces équipes privées.» Les instances nationales restent les seuls organes habilités à inscrire des athlètes aux épreuves de Coupe du monde.

Lara Gut ne s'élance pas dans une catégorie à part. Le recours aux cellules familiales ou privées se multiplie depuis une dizaine d'années sur le circuit féminin. Lindsey Vonn, Janica Kostelic ou Tina Maze ont privilégié cette option. «Une distinction très nette doit être faite entre les athlètes issues des anciens pays de l'Est et les filles comme Lindsey Vonn», pose d'entrée Hugues Ansermoz. «L'encadrement privé a été le seul moyen pour les premières de progresser en raison des faiblesses ou de l'inexistence des fédérations nationales.» L'effort débouche sur un titre mondial de slalom pour Sarka Zharobska, à Are en 2007. «J'ai décidé que mes enfants seraient des champions de ski. Je les ai formés dès l'âge de 2 ans. Nous avons rompu avec la fédération et nous avons créé notre propre équipe», assène alors Papa Peter, qui monopolise les micros. Petr, le rejeton, casse le moule. Son palmarès se contente d'un vingt-et-unième rang comme meilleur résultat. Trois ans plus tard, la fille a laissé l'encombrant paternel sur le bord de la piste. La volonté sans faille d'Ante Kostelic, ancien handballeur international, donne neuf titres mondiaux ou olympiques à Janica. «La Fédération croate s'est développée avec eux. Elle risque de disparaître quand Ivica, le fils, se retirera», conclut Hugues Ansermoz.

L'avis du psy

«La femme se sent plus à l'aise dans un entourage familial et les garçons possèdent un esprit de compétiteur plus fort», confie Lucio Bizzini, docteur en psychologie et psychologue du sport, quant à l'absence bien plus marquée de l'autorité paternelle dans le camp masculin. «Etre entraînée par un parent n'est pas un risque. Ce contexte donne même un avantage à l'athlète jusqu'au moment où la compétence fait la différence. La paire constituée de Sophie et d'Ernest Lamon est exemplaire dans son évolution. Le technicien a suivi sa fille avant de la confier à quelqu'un d'autre pour lui permettre de poursuivre sa progression. Le binôme fonctionne bien entre 10 et 15 ans. Le ski reste aussi un petit univers dont la faible dimension favorise les dynasties familiales.»

Dans le camp masculin, Marcel Hirscher ouvre une brèche. Le slalomeur autrichien bénéficie du soutien paternel au sein de l'équipe nationale grâce à la tolérance de la fédération. Le précédent de Marc Girardelli n'a pas fait des émules. Courant pour le Luxembourg, l'Autrichien avait gagné cinq Coupes du monde de 1985 à 1993 sous la direction sans concession de papa Helmut. /SFO

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