Küttel, 30 ans, a effectué un premier saut magnifique, le plus long avec 133,5 m, mais il a aussi bénéficié d'un peu de chance avec l'annulation de la 2e manche. Deux tentatives successives de mener à bien la finale ont échoué après le passage d'une vingtaine de concurrents, en raison de la violence des précipitations. Le jury a finalement décidé de décerner les médailles sur la base du seul premier saut.
Ainsi, Küttel l'emporte avec une marge infime de 0,4 point devant l'Allemand Martin Schmitt et 1,8 point sur le Norvégien Anders Jacobsen. Les Autrichiens sont les grands battus du jour avec, pour meilleure place, la 4e de Gregor Schlierenzauer. «On aurait pu prévoir dès le début que la météo ne permettrait pas de disputer deux manches. Il aurait tout fallu remettre à dimanche», a déploré le leader de la Coupe du monde.
Simon Ammann, tenant du titre, n'a pris que la 8e place (129 m). Mais le médaillé de bronze au petit tremplin s'est vivement réjoui du titre de son copain et camarade de chambre.
Les qualités du Schwytzois et son application n'ont jamais été remises en question. Toutefois, il était rongé par le doute ces derniers mois. Au creux de la vague au sortir de la Tournée des Quatre-Tremplins achevée au 16e rang, il est allé refaire ses gammes à l'entraînement, seul, sur le tremplin de Hinterzarten (All), pendant que les autres se trouvaient en Autriche pour les concours de Bad Mitterndorf. Cette parenthèse a coïncidé avec son retour en forme. Deux fois proche du podium juste avant Liberec, il y a débarqué avec une confiance renforcée par ses excellents souvenirs sur ce tremplin, où il s'était déjà hissé deux fois sur un podium en Coupe du monde. Il a tiré profit de l'élasticité de sa musculature pour déclencher une impulsion remarquable, renforcée par la vitesse d'élan la plus élevée de tous (93,5 km/h).
En 20 concours aux Mondiaux et aux Jeux, Küttel avait jusqu'à présent comme meilleur résultat un 5e rang sur le petit tremplin des championnats du monde de Sapporo en 2007 et un 6e aux JO de Turin en 2006. Plus souvent qu'à son tour, il peinait à assurer deux manches régulières. Le jury, cette fois, lui a épargné la nécessité de montrer qu'il en était capable.
Ce succès rappelle celui que Küttel avait remporté à Garmisch-Partenkirchen sur la Tournée des Quatre-Tremplins en 2007, avec déjà un classement validé après un seul passage. Mais il ne doit rien à personne. La manche a été parfaitement régulière et le Schwytzois fait partie des meilleurs sauteurs du circuit depuis la première de ses cinq victoires en Coupe du monde, à Lillehammer en 2006.
Küttel est le quatrième Suisse de l'histoire sacré champion du monde après Marcel Reymond (à Innsbruck en 1933 au grand tremplin), Walter Steiner en vol à ski (à Planica en 1972 et à Vikersund en 1977) et Simon Ammann au grand tremplin de Sapporo en 2007. «Il se peut bien que le plus chanceux gagne à Liberec», avait prophétisé Ammann la semaine passée. S'il a fallu un brin de chance à Küttel, celui-ci a surtout su remettre en place les pièces de son délicat puzzle au moment opportun. La marque d'un champion du monde. /si