«Un entraîneur n'est par définition jamais totalement satisfait.» Domenico Rossi (45 ans), ex-gymnaste d'élites et actuel responsable de la relève au niveau suisse, plante d'emblée le décor. En gymnastique, le niveau d'exigence est très élevé et l'autosatisfaction est crainte comme la peste. «Dès qu'un gymnaste pense qu'il est le meilleur, il commence à régresser», ponctue le Tessinois.
Autant le dire tout de suite, Domenico Rossi n'était pas content de ses protégés samedi soir après le concours général en P6 et il n'était pas le seul. «Médiocre», sanctionnait Félix Stingelin, responsable du sport d'élite. «C'était mauvais, il y a eu trop de fautes», confirmait Domenico Rossi. «Cela dit, c'était la seule catégorie dont je n'étais pas satisfait. Les autres concours furent d'un bon niveau. En dix ans, nos gymnastes ont progressé de façon extraordinaire. Avec les exercices que l'on voit maintenant, certains d'entre eux auraient été champions du monde il y a 20 ans. Grâce à cette progression, nous sommes entrés dans les six meilleures nations européennes. Notre objectif est de nous qualifier par équipes pour les JO de Londres en 2012.» Les Suisses devront se classer dans les douze meilleurs au niveau mondial.
Comment? En développant et améliorant le travail effectué dans les centres régionaux. «En Argovie et à Zurich surtout, la professionnalisation a porté ses fruits», étaie Domenico Rossi, ex-responsable du centre zurichois. «Les gymnastes sont suivis depuis leur plus jeune âge. Les besoins sont adaptés à leur évolution.» Et ça se voit.
Les Zurichois et les Argoviens ont logiquement trusté la plupart des titres. Seul le Schwyzois Marco Pfyl a réussi à leur enlever celui de P3. Les Argoviens ont réalisé un doublé dans la catégorie la plus élevée (P6) avec Michael Meier et Oliver Hegi, devant Marco Rizzo (ZH). Le tout au terme d'un concours entaché par de nombreuses fautes et chutes - un seul gymnaste (Meier) au-dessus de 80 points.
En P5, Eddy Yusof (Zurich) a réalisé une magnifique démonstration avec un total de 87,70 points et quatre meilleurs exercices. Il a confirmé cette prestation par deux titres lors des finales par engins: aux anneaux (15,250!) et aux barres parallèles (15,200!). Richie Wanner s'est consolé de sa mauvaise prestation au général en ravissant de façon éclatante la victoire au sol (15,300). Le concours a cette spécialité fut d'ailleurs un des grands moments de ces championnats, tant en P5 qu'en P6. «Extraordinaire», s'exclamait l'exigeant Domenico Rossi. De quoi se consoler après un samedi soir difficile.
Et les Romands? Le talentueux Christopher Tomcik a sauvé l'honneur francophone en triomphant aux barres parallèles et aux anneaux en P6. Intégré au cadre national, ce junior genevois est promis à une très belle carrière.
Le Neuchâtelois Nathan Bösiger (9e en P4) a, lui, pu mesurer tout le chemin à accomplir pour entrer dans l'élite nationale. «Son concours a été très moyen», sanctionnait son entraîneur Joachim von Büren qui a jugé son élève aux barres parallèles. Sans ses deux fautes initiales - au sol et au cheval d'arçons - le Vaudruzien aurait pu terminer parmi les six premiers. «La moitié de mon concours a été assez moyenne. Je suis assez fier du reste, notamment aux barres parallèles (9,700) et la barre fixe (10,100)», commentait le sociétaire de la Gym Serrières. «Il doit apprendre à mieux gérer les concours et la pression», estimait Jean-Pierre Jaquet, responsable technique cantonal. «Aujourd'hui, il n'a rien perdu, il a appris beaucoup de choses pour la suite.» Les autres Neuchâtelois ont obtenu des places honorables en P1 et P2. Pour eux, le chemin est encore long... /JCE