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Pour la beauté du geste...

09 juil. 2011, 09:30

Le scénario est, invariablement, le même. Chaque jour, au kilomètre zéro, il se trouve toujours trois, quatre ou cinq coureurs - jamais plus - à fausser compagnie au peloton. Chaque jour, depuis une semaine, un petit groupe d'intrépides se berce donc d'illusions. Courageux? Sans aucun doute. Naïfs? Pas forcément. Certes, ils rêvent tous d'une victoire d'étape. Mais au fond d'eux, ils savent bien que si le peloton est prompt à leur accorder un bon de sortie, il n'est pas aussi généreux que les apparences peuvent le laisser supposer.

D'ailleurs, le scénario est si bien écrit, si prévisible aussi, que les fugitifs n'ont aucune peine à mettre quelques minutes de côté. Entre cinq et dix, très rarement plus. Il est si bien convenu qu'à trente kilomètres de l'arrivée, généralement, le peloton commence à s'organiser. Dès le moment où il embraie, le sort des échappés est donc scellé. Que l'arrivée soit alors placée au fond d'une longue ligne droite, qu'elle soit dessinée après une petite bosse ou qu'elle arrive au sommet d'une côte, le final est irrémédiablement le même. C'est un sprint massif qui ne concerne, généralement, qu'une dizaine de têtes brûlées, qui clôt l'histoire. Et à la fin, c'est - souvent - Cavendish qui gagne.

Dès lors, qu'est-ce qui invite encore certains à effectuer autant d'efforts pour rien? La beauté du geste, souvent. Et le prix, aussi, du spot publicitaire sur les chaînes de télévision. Ainsi, l'équipe AG2R estime qu'elle aurait dû acheter 10 000 spots audiovisuels de trente secondes, soit un investissement de 130 millions de francs, pour obtenir la même audience dans les médias français qu'en six mois d'activité au sein des pelotons. Quant à la formation HTC-High Road, elle estime que ses retombées financières durant le Tour s'élèvent à 130 millions.

Il n'empêche que depuis quelques années, les échappées n'ont quasiment plus aucune chance de voir l'arrivée. Un chiffre? La FDJ a déjà passé 1181 kilomètres en tête, via ses coureurs en échappée. Or, elle n'a encore rien gagné... «J'ai trois explications», avance Philippe Chevallier, responsable du sport au sein de l'Union cycliste internationale. «D'abord, les équipes sont de plus en plus homogènes. Ensuite, les oreillettes permettent au peloton d'être constamment au courant des écarts. Il maîtrise les échappées. Enfin, les routes sont désormais en parfait état. Ce sont quasiment des autoroutes sur lesquelles le peloton est lancé à plus de 60 km/heure. L'asphalte rend très bien, il n'y a plus de virages, plus de rétrécissements ou de trous qui favorisent un petit groupe au détriment du peloton.»

Jean-François Bernard, consultant pour plusieurs médias, est catégorique. «Les échappées sont vouées à l'échec. Elles sont publicitaires, c'est tout. Les sprinters n'ont que quatre ou cinq possibilités de gagner. Ils ne les laissent pas passer. C'est le peloton qui décide de l'écart et du moment où il faut condamner l'échappée.»

Parmi les Français qui ont des fourmis dans les jambes, Thomas Voeckler est l'un des plus assidus. Mais il n'est pas crédule pour autant. «Les enjeux sont de plus en plus économiques», déplore-t-il. «Quand les étapes sont promises aux sprinters, des consignes sont données pour ne rien céder à ceux qui s'échappent.» Anthony Roux en a fait l'expérience. «Je suis en colère contre les Vacansoleil», a-t-il lâché jeudi soir. «Ils ont privilégié le maillot à pois (réd: pour Hoogerland) plutôt que d'essayer de gagner l'étape.» Ainsi vont les intérêts des uns et des autres, forcément divergents.

Aujourd'hui? Il ne fait aucun doute que d'autres courageux sortiront du peloton. Qu'ils «squatteront» notre petit écran durant de longs kilomètres. Et qu'ils finiront par rentrer dans le rang? Eh bien non, pas forcément. Parce que les deux étapes à venir, dans le Massif central, seront très accidentées, qu'elles ne souriront pas aux sprinters et qu'ainsi, les équipes habituées à chasser en tête du peloton seront bien plus discrètes. «Les échappés auront cette fois toutes les chances d'aller au bout», pronostique Laurent Jalabert, consultant sur France 2.

On en accepte l'augure.

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