Votre publicité ici avec IMPACT_medias

La perche cherche une star

Les records du monde de Serguei Bubka (6m14 en plein air, 6m15 en salle) seront-ils un jour battus? Français, Australiens, Américains, Allemands ou Russes, les candidats sont légion. Mais ils restent pour l'instant loin du compte!

22 août 2009, 11:07

Ce chiffre, qui résume presque à lui seul l'incroyable et insolente carrière Serguei Bubka: entre 1985 et 1997, du tsar a franchi à... 44 reprises (!) 6 mètres et plus au saut à la perche. Ce palmarès, inégalé: un titre olympique, obtenu en 1988 à Séoul, et surtout six titres consécutifs - oui, six! - de champion du monde, entre 1983 et 1997. Ces records enfin, qui datent des années 1993 et 1994, et qui donnent le vertige: 6m15 en salle, chez lui, à Donetsk, 6m14 en plein air, à Sestrières. Mais qui donc pourra, un jour, faire mieux que l'Ukrainien?

Outre Bubka, 16 hommes seulement dans l'histoire sont parvenus à franchir la barre mythique des six mètres. Mais loin, très très loin derrière le tsar. Les meilleurs? Le Russe Maxime Tarasov et l'Australien (ex-Biélorusse) Dimitri Markov ont tous deux passé 6m05 en plein air, il y a huit et dix ans. Depuis, tous deux ont rangé leurs gaules. L'Américain Brad Walker, champion du monde en titre mais forfait ici à Berlin, a réussi 6m04 en 2008. Cette année, la meilleure «perf» en plein air a été l'œuvre du jeune Français Renaud Lavillenie, qui a porté le record national à 6m01. Les 6m14 de Bubka semblent rester désespérément accrochés aux nuages.

«C'est vrai, mais il faut rester prudent, car tout peut très vite évoluer», estime Jean-Claude Perrin, 73 ans, le pape de la perche française, celui qui fut notamment l'entraîneur de Pierre Quinon et de Thierry Vigneron. «En 1991, qui aurait pensé que les 8m90 de Bob Beamon allaient être battus?» Qui, alors? A 27 ans, l'Australien Steve Hooker est peut-être bien le candidat le plus sérieux. Le champion olympique en titre a franchi 6m06 en salle, cet hiver à Boston, avant d'échouer trois fois très nettement à 6m16. Mais le gars de Melbourne est le seul à avoir osé s'attaquer au mythe!

«Il y a peut-être, effectivement, un blocage psychologique chez beaucoup d'athlètes», poursuit Jean-Claude Perrin. «La perche est une discipline très particulière, où l'aspect mental est tout aussi important que la technique pure. Qu'est-ce que voient les gars au début de la piste d'élan? Une latte qui semble suspendue dans le ciel, 40 mètres plus loin. Croyez-moi, c'est impressionnant!»

Mais qu'est-ce que Bubka pouvait bien avoir de plus que tous les autres? Pour Jean-Claude Perrin, la réponse est claire: «Il avait un double moteur, sa force et sa vitesse. Bubka était notamment doté d'une force musculaire sans pareille, qui lui permettait d'effectuer des séries de sprint en portant 20 kilos à bout de bras. Je l'ai vu, de mes yeux vu, c'était à Colombes!»

Une force colossale qui permettait à l'Ukrainien d'utiliser des perches beaucoup plus dures que ses adversaires. «Bubka n'avait pas un levier plus grand qu'un Vigneron, par exemple, mais il était capable de plier des gaules beaucoup plus rigides. Il n'était pas non plus meilleur technicien que les autres, mais il savait parfaitement restituer l'énergie qu'il donnait à sa perche.»

Un effet de ressort quasi diabolique: au moment où sa perche était complètement détendue, Bubka, qui prenait un levier de 5m20, a donc franchi une barre posée 1m15 au-dessus de lui lors de son record du monde à 6m15, sachant que le butoir est profond de 20 cm. C'est tout l'art de savoir prolonger son ascension en profitant de l'énergie procurée par la perche!

«En fait, Bubka résumait à lui seul les qualités des meilleurs perchistes français de l'époque, les Quinon, Vigneron, Bellot et autres Houvion: la vitesse, la détente, la puissance, la technique et la combativité», constate Jean-Claude Perrin. Lequel ne croit pas qu'une nouvelle technologie puisse changer la donne dans le futur, comme la fibre de verre le fit lorsqu'elle remplaça les perches en bambou: «C'est une question de moyens financiers. Il n'y a pas de débouchés commerciaux pour un outil comme la perche, contrairement aux raquettes de tennis, aux vélos ou aux ballons de foot. Donc, le matériel ne peut pas véritablement évoluer.»

La finale du saut à la perche aura lieu ce soir, dès 18h15. Qui pour faire mieux que Bubka? Jean-Claude Perrin en est persuadé: «Hooker, notre jeune Français Lavillenie et le Russe Lukyanenko ont les moyens de passer 6m10 un jour.» Ce qui ne fait pas encore un record du monde... /ALA

Votre publicité ici avec IMPACT_medias