Le 3 janvier, l’entreprise pharmaceutique Bristol-Myers Squibb, basée dans l’Etat de New York, a annoncé le rachat du spécialiste des biotechnologies Celgene.

Basée au New Jersey, cette dernière a installé en 2006 son centre mondial hors Etats-Unis à Boudry, attiré notamment par dix ans d’exonération fiscale. Celgene a inauguré en septembre 2018 un nouveau site à Couvet. Elle a aussi obtenu en novembre un nouveau permis de construire pour agrandir un bâtiment de Boudry. Mais plus que ces travaux, c’est désormais la future organisation de la multinationale qui interroge.

Qui est Bristol-Myers Squibb (BMS)?

Squibb, la plus ancienne des entités formant le groupe, a été fondée en 1858 à Brooklyn (New York). Elle a fusionné en 1989 avec Bristol-Myers, dont les origines remontent à 1898, aussi dans l’Etat de New York. L’entreprise s’est diversifiée, notamment en acquérant d’autres firmes, dans les domaines des maladies cardiovasculaires, du diabète, des maladies infectieuses et de certains cancers.

La société emploie quelque 23’000 personnes aux Etats-Unis, en Inde, en Irlande, en Belgique et au Japon. Distinguée au cours des années 1990 pour le caractère innovant de ses recherches, elle s’est aussi occasionnellement trouvée en conflit avec les autorités américaines pour ses positions dominantes sur certains marchés de médicaments, ainsi qu’en proie à différents scandales financiers.

Cours de l’action Bristol-Myers Squibb après l’annonce de l’acquisition de Celgene, à la Bourse de New York. Photo: Keystone

Pourquoi acheter Celgene?

«Ce que BMS achète, en fait, ce sont les médicaments que Celgene a développés ou rachetés, et qu’elle s’apprête à mettre sur le marché», indique Jean-Paul Jeckelmann, responsable des investissements à la banque Bonhôte.

L’analyste explique que depuis quelques années, les fusions et acquisitions géantes se multiplient dans la pharma: «Les très grands groupes pharmaceutiques sont pour l’essentiel issus de la chimie», un domaine de recherche «vieillissant». «Les nouveaux médicaments ressortent des biotechnologies, voire du génie génétique. Les grandes multinationales multiplient leurs acquisitions pour continuer à croître dans les domaines de pointe» explique Jean-Paul Jeckelmann.

Celgene était-elle en difficulté?

Oui et non. Bernard Soguel, ancien conseiller d’Etat en charge de l’économie au moment de l’arrivée de Celgene en 2006, se souvient qu’un «deal» initial avec la prometteuse entreprise pharmaceutique tenait sur 200 emplois. Il y en a aujourd’hui à Boudry presque quatre fois plus (750 emplois).

«L’entreprise a connu un indéniable succès». Celgene doit surtout son succès mondial au médicament contre le cancer Revlimid. Celgene en a tiré d’énormes bénéfices, réinvestis dans la recherche, mais aussi dans l’acquisition de sociétés ayant en stock de nouveaux produits.

Mais vendredi 4 janvier, le «Wall Street Journal» estimait que c’est l’état du «pipeline» de médicaments, moins prometteur qu’escompté, qui avait conduit l’action Celgene à perdre près de 40% de sa valeur au cours de la dernière année. La chute globale des marchés boursiers a pu, par ailleurs, accélérer le mouvement.

Pourquoi l’action BMS a-t-elle baissé?

BMS a annoncé vouloir offrir une de ses actions plus 50 dollars pour chaque action Celgene, ce qui valorise Celgene à quelque 74 milliards de dollars. «Il ne s’agit pas uniquement d’une fusion par échange d’action», fait remarquer Jean-Paul Jeckelmann.

La proposition de BMS représente une plus-value de près de 50% par rapport au dernier cours en bourse de Celgene. Il n’est donc pas étonnant que l’action BMS ait perdu des plumes (environ 13% jeudi). «Certains peuvent trouver que c’est cher payé, d’autant que dans ce genre d’opérations, il demeure des incertitudes. L’autorité de régulation des marchés américains devra donner son accord. Et il s’agira ensuite d’intégrer deux cultures d’entreprise, ce qui présente toujours un certain risque. Sans parler du fait qu’il n’y a pas de certitude quant à la mise sur le marché des médicaments qui sont dans le ‘pipeline’ de Celgene.»

Quel impact pour l’emploi et les finances publiques?

Jean-Pierre Leuenberger, conseiller communal à Boudry, n’est «pas inquiet pour l’emploi», mais soulève la question des finances communales. Elles viennent en effet de retrouver les chiffres noirs, en 2017, du fait notamment de la fin des exonérations fiscales accordées à la multinationale. Ce sont donc 2 millions de francs par an environ qui tombent dans les caisses de Boudry.

Indépendamment de la question du maintien de l’activité industrielle, Jean-Paul Jeckelmann indique que BMS devra s’endetter d’une trentaine de milliards de dollars pour réaliser l’opération. Il est possible que l’impact de ces montants sur le bénéfice, y compris celui réalisé dans le canton, influence les montants perçus in fine par les administrations cantonale et communale.

Un départ du canton est-il envisageable?

«Tout est possible, il n’y a pas de règle», explique Jean-Paul Jeckelmann. «Le site de Boudry pourrait être abandonné, tout comme il pourrait, au contraire, sortir renforcé de l’opération. Tout dépend de la géographie des sites du groupe et de ses besoins futurs».

Pour l’analyste, la question de la redondance en termes d’administration de l’entreprise ne se pose pas vraiment, car les activités des bureaux de Celgene à Boudry sont très liées aux médicaments produits sur place.

Wuxi STA a bien racheté l’ex-usine Celgene à Couvet

L’entreprise chinoise Wuxi STA est bien le nouveau propriétaire de l’usine de production de Couvet à Bristol Myers Squibb (ex-Celgene). La vente vient d’être finalisée.