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Si cher coup de fil

26 avr. 2011, 11:45

Dans les années 1980, lorsque je suis arrivé en Suisse, le téléphone était cher, très cher. Colocataires, nous partagions presque tout, mais le téléphone était un luxe que chacun devait assumer. Le compteur s'affolait à chaque fois qu'on appelait la Colombie: 7fr.90 la minute! Hola cómo estas? Et tac - 10 francs s'affichaient déjà. On écrivait des lettres, le téléphone était réservé pour la Fête des mères ou les urgences.

Pour maintenir, à tout prix, le contact: vite dire l'essentiel et oublier l'accessoire. Ma mère ne saura jamais ma peur des flics, de l'expulsion. Je ne lui ai pas dit l'ébriété de ma solitude, ma peur de l'échec, ma tentation de la haine… ou l'éventualité de l'amour. Aujourd'hui, les communications se sont démocratisées, les coups de fil, plus fréquents. Longues et harassantes les journées de ma mère, son travail acharné au service de sa famille et la fuite des années ont peu à peu fragilisé son corps et sa tête est devenue indocile.

Ma mère me répète inlassablement la même histoire, semaine après semaine. Ses souvenirs qui rôdent à chaque coin de rue ont creusé un abîme en elle. Est-ce parce qu'elle a perdu un œil que son monde est couleur sépia?

Le téléphone, ce luxe d'hier, est devenu un baume pour tenter de soigner les plaies que le temps inflige à nos mémoires.

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