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Salut à toi, Aigle blanc

04 juil. 2009, 12:13

Je débutais dans le métier et alors que j'en étais encore à faire mes gammes, lui, en vieux briscard du point virgule, avait hérité, je ne sais par quel mystère, du rôle de berger d'un troupeau bien mal ficelé.

Personne d'autre n'aurait su cultiver, sans le faire exprès, l'allure de dandy négligé qui lui allait si bien. So british. Paletot en tweed un rien fripé, pantalons à carreaux froissés à point. Il dégageait une distinction authentique, d'un chic et d'un genre naturellement réinventés.

Bien que notre façon de voir le monde divergeait, j'appréciais sa nonchalance bonhomme, son honnêteté, son humanisme simple. Il ne savait pas médire, vociférer, écraser les plus faibles pour se hisser au sommet de l'immonde. Il était à mille lieues de toute préoccupation carriériste. Il n'usait que très modestement du peu d'autorité qui lui était concédée.

Son credo, comme une fêlure assumée avec élégance, aurait pu être: «Vivre et laisser vivre». Quand il jugea que le meilleur n'était plus à sa portée - innocent - il s'offrit en partage. Il coupa net le cordon... voilà deux ans déjà...

Pour son passage, parmi la foule venue lui rendre un dernier hommage, nous n'étions que deux pour qui et avec qui il avait partagé, durant huit années, sa passion professionnelle.

Oh! Ce n'était pas un foudre de guerre, un rapace de sang assoiffé. Ce n'était qu'un aigle blanc égaré, un doux poète emplumé qui n'a pas su donner le change aux hyènes.

Effrayé par la vie, au petit matin brumeux d'un été tardif, au bord de la Suze, il s'est fleuri la tête d'un coup de fusil.

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