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Porteurs de tous les PCI, réunissez-vous!

30 nov. 2010, 06:42
Marc-Olivier Gonseth,
Directeur du Musée d'ethnographie de Neuchâtel
La plupart des lecteurs «d'un certain âge» associeront sans doute le titre de ce billet à une tentative de relance du Parti communiste italien (dissout en 1991), alors que d'autres, selon leur origine et leur spécialité, y verront une invitation à la Perte de conscience initiale, au Programme de comparaison internationale ou au Pouvoir calorifique inférieur (source: wikipedia, 18 novembre 2010). Eh bien rien de tout cela, le porteur de PCI est un individu lambda doté d'une denrée pas forcément rare: un Patrimoine culturel immatériel, à savoir une connaissance dans le domaine des traditions orales, des arts du spectacle, des rites sociaux, des savoirs populaires ou des savoir-faire artisanaux, partagée avec d'autres individus, attestée depuis plusieurs générations et susceptible d'être transmise à de nouveaux porteurs. La notion a été développée depuis les années 1980 par l'Unesco afin de tenir compte du patrimoine intangible dans les processus de sauvegarde et de conservation, auparavant exclusivement concernés par le bâti et le construit. Le processus a abouti en 2003 à l'élaboration d'une Convention de sauvegarde ratifiée par la Suisse en 2008. La discussion bat aujourd'hui son plein au niveau cantonal afin de constituer une première liste de patrimoines immatériels helvétiques susceptibles d'être classés par l'Unesco. L'Institut d'ethnologie de l'Université de Neuchâtel étudie ce processus de réification et le Musée d'ethnographie lui consacre son exposition temporaire «Bruits» (jusqu'au 15 septembre 2011). Les deux partenaires ont constaté au passage que ce nouveau domaine posait au moins autant de problèmes qu'il n'en résolvait, ne serait-ce que parce qu'il repose sur une vision figée du patrimoine, qu'il véhicule une perception essentialiste de la culture et qu'il oppose de manière radicale les versants matériels et immatériels d'une même réalité. Ce nouveau territoire recèle cependant une vraie potentialité de perturbation de la réflexion sur le patrimoine et de reformulation des enjeux liés aux pratiques et aux savoirs populaires. Alors si vos idées n'ont pas été retenues par Expo.02 et si vos projets ont été écartés par le comité du Millénaire de Neuchâtel, pourquoi ne pas profiter d'une troisième opportunité et suggérer à vos autorités de prendre en considération l'incontournable tradition qui illumine votre existence ou la connaissance particulière qui fait la fierté de vos proches? Vous lui donneriez ainsi la possibilité d'être reconnue internationalement et participeriez par voie de conséquence à augmenter notablement l'attractivité touristique de votre région. La France vient de faire inscrire «le repas gastronomique des Français», l'Espagne, la Grèce, l'Italie et le Maroc ont déposé «la diète méditerranéenne», la Croatie «l'art du pain d'épices» et la Turquie «le festival de lutte à l'huile de Kirkpinar». Mais le canton de Neuchâtel est pour lors bien silencieux. En suivant les suggestions de quelques fins connaisseurs du sujet proposant notamment de retenir «le secret bancaire genevois», ne serait-il pas judicieux de proposer le classement du «consensus à la neuchâteloise»? Développé par des générations d'habiles manœuvriers, porté par toutes les tendances politiques et susceptible d'être transmis à la postérité si l'Unesco intervient rapidement pour en empêcher la décomposition amorcée, il s'agirait alors indéniablement d'une contribution importante de notre canton au patrimoine de l'humanité. Mais peut-être ce consensus est-il trop solide pour justifier un tel soutien ou trop dévasté pour être sauvegardé? Il s'agirait alors de trouver d'autres voies pour exprimer notre indéniable mais encore indiscernable spécificité.
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