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Théâtre du Passage: le souffle d’Ardant sur les cendres d’Hiroshima

«Hiroshima mon amour», porté par une Fanny Ardant incandescente, s’est terminé par une standing ovation samedi soir au théâtre du Passage, à Neuchâtel.

08 oct. 2019, 16:40
Fanny Ardant incarnait le texte "Hiroshima mon amour" samedi soir, sur la scène du Passage.

Pour Bertrand Marcos, qui a adapté et mis en scène le texte de Marguerite Duras, faire appel à Fanny Ardant pour porter les mots foudroyants d’«Hiroshima mon amour» était «une évidence». Au théâtre du Passage, samedi soir à Neuchâtel, le public a encensé ce choix.

Car Fanny Ardant, par son phrasé si particulier qui tend à briser le récit, rend un hommage très juste à l’écriture de Duras dans son travail de destruction de la phrase, souvent palimpseste ou émiettée. Alors oui, cela suffirait déjà, presque, à faire d’elle «la plus durassienne des comédiennes», comme l’a souvent décrété la critique.

Poétique implacable et violente

Fanny Ardant, royale et humble, porte avec maîtrise un propos trouble et troublé, qui distille une vraisemblance diluée. On se retrouve alors comme pris au piège d’un onirisme singulier, envoûté par une poétique aux accents raciniens, implacable et violente. Il y a des fulgurances dans l’interprétation habitée de la comédienne, mais ce sont celles des cendres.

Car si Ardant incarne l’amour, celui-ci a un goût irrémédiable de perte. La comédienne, seule en scène, en robe noire dans un simple halo de lumière, scande sans affectation la douleur de l’amnésie.

Oubli irréversible

La pièce n’est pas le récit d’un ou de deux amours, ni celle d’un bombardement, mais l’histoire de l’oubli. Elle se souvient de l’être aimé comme de l’amour qui s’efface de la mémoire et pense finalement à Hiroshima comme à l’horreur de l’oubli: «On croit savoir, et puis non, jamais.»

La voix de l’amant – chaleureuse et douce à la fois, celle de Gérard Depardieu, qui lui donne la réplique en voix off –, l’avait pourtant prophétisé dès le début: «Tu n’as rien vu à Hiroshima.» Elle proteste: «J’ai tout vu. Tout.» En vain, la femme s’agrippe à cette illusion de n’oublier jamais. Mais amour et mort tombent dans un oubli irréversible.

Rien. Il ne reste rien. Même la passion et même la douleur s’éteignent. Tout juste les mots, rendus incandescents le temps de leur envoûtante incarnation par une comédienne au sommet de son art, qui parvient à remplir l’espace de sa présence magnétique et à transcender la parole durassienne.

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