Présenté en compétition au dernier festival de Berlin, «Jessica Forever» est un objet cinématographique étrange qui a eu le don de diviser la critique française, certains criant au chef-d’œuvre génial, d’autres à la supercherie désincarnée. Pour notre part, nous nous situons à mi-chemin. Il y a donc lieu de découvrir ce premier long-métrage signé par Caroline Poggio et Jonathan Vinel, deux cinéastes de moins de trente ans dont le court-métrage «Tant qu’il nous reste des fusils à pompe» (2014) avait été déjà très remarqué.
La première séquence du film donne le ton: un jeune homme fonce tête baissée contre la baie vitrée d’une villa déserte et la brise en mille morceaux. Peu après, des garçons surarmés encerclent la bâtisse. Apparaît alors Jessica, sorte de madone harnachée de cuir, qui prend soin du désespéré. Elle s’est donné pour mission de recueillir des orphelins aux pulsions meurtrières pour les guérir de leur violence.
Grands enfants
Ces grands enfants forment une drôle de communauté, une sorte de famille idéale que des drones tueurs traquent sans relâche dans des lotissements désincarnés, des non-lieux typiques de notre époque, où il n’y a plus âme qui vive. Dans un premier temps, cet univers abstrait et régressif ne laisse pas de fasciner par son inquiétante étrangeté, renforcé par le jeu très distancié des comédiens. Teen-movie asexué? Dystopie post-adolescente? Éloge romantique de la meute? Fable de «collapsologues» un brin juvéniles?
Au départ, très dépaysant, ce petit jeu d’incertitudes finit par se dégonfler telle une baudruche, ne laissant derrière lui qu’un vague appel à plus d’amour entre les êtres humains…
L’actrice et mannequin franco-suisse Aomi Muyock sera présente pour s’entretenir avec le public à l’issue de la projection, soutenue par le Nifff. Découverte l’an passé dans le sulfureux «Love» de Gaspard Noé, elle confère au personnage de Jessica une présence impressionnante.
Vendredi 10 mai, 20h, cinéma Minimum, Neuchâtel.