La galerie Lange+Pult, à Auvernier, accueille les héritiers présomptifs d’Olivier Mosset et John Armleder pour une exposition résolument abstraite, jusqu’à son nom: «Double crème». Autour de ces deux artistes mondialement reconnus, fondateurs d’une école picturale ayant fait florès en Suisse romande, le couple directeur de la galerie convie huit autres artistes d’envergure et tous tournés vers l’abstraction «néo-géo» (pour nouvelle géométrie), un courant né dans les années 1980.
De S. Fleury à Dafflon
Parmi ceux-ci, tous Romands, citons Sylvie Fleury, Christian Robert-Tissot, Francis Baudevin, Philippe Decrauzat ou les plus jeunes Stéphane(s), Dafflon et Kropf. Réunies autour d’un monochrome de polyuréthane élaboré par Mosset, les œuvres présentées, une par artiste, explorent, chacune selon leur technique, les différentes tendances qui ont traversé ce large courant consacré à une nouvelle lecture, quasiment signalétique, de l’espace social et urbain.
Difficile à catégoriser sans omettre, le courant néo-géo en appelle toutefois à la philosophie de la perception, élargie au spectre des intentions qui animent ces artistes quant à l’acclimatation de leur création dans un espace donné et à leur réception par le public. Mais les médias, comme les techniques, peuvent diverger et s’emparer d’autres réflexions qui échappent probablement à une pure abstraction.
Ainsi des travaux de Decrauzat qui, à peine entrés dans la galerie, commencent à titiller la sensibilité de notre vue dans la droite ligne de l’art optique (op-art). Et pas seulement, car il modèle également la forme de ses toiles comme tout bon amateur de shape-canvas, dont l’habileté artistique confine surtout à l’ébénisterie.
Double crème!
Courant mondial, le néo-minimalisme, porté par exemple par un Jeff Koons, jouit de grands noms en Suisse et ce n’est évidemment pas la première fois qu’ils exposent ensemble dans ces lieux (ou ailleurs), d’où ce titre onctueux aux contours presque revendicateurs. Le contrôle, l’esthétique, la finition jouent de fait un grand rôle dans la réalisation de ces travaux, qui pour réussir leur effet, se doivent de contrefaire la perfection machiniste, l’industrieux du design pour révéler un rapport à l’art dérouté vers la décoration, parfois même jusqu’à la vacuité des intentions.
Et le quotidien joue un rôle déterminant dans cette démarche, en témoigne le grand format de Sylvie Fleury, extrapolé d’après un pull à motif qui lui moulait la poitrine!
Camille Pellaux
Galerie Lange+Pult, à Auvernier, exposition «Double crème» jusqu’au 1er février 2019.