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Hommage au médecin neuchâtelois Marcel Junod, héros d’Hiroshima

«Docteur Junod, le troisième combattant» pourrait être une fiction. Mais c’est bel et bien un film documentaire consacré à ce pionnier de l’humanitaire, né à Neuchâtel en 1904. A découvrir dès le vendredi 5 avril à Neuchâtel et Delémont.

04 avr. 2019, 15:43
Novembre 1939: visite aux prisonniers de guerre alliés en Allemagne.

Un documentaire retrace la vie du chirurgien Marcel Junod (1904-1961). Originaire de Lignières, fils d’un pasteur de Chézard et de La Chaux-de-Fonds, le Neuchâtelois a été sur tous les fronts de guerre de 1935 à 1945. Délégué du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), il fut un négociateur hors pair, «le troisième combattant» des zones de conflits, titre d’un de ses livres devenu culte chez les humanitaires.

Le film de Romain Guélat et Jean-François Berger est à découvrir dès vendredi 5 avril à Neuchâtel et Delémont. En préambule, rencontre avec Benoit Junod, fils de Marcel, et Jean-François Berger, historien, ancien délégué du CICR, scénariste du film.

Japon: au secours des victimes de la bombe atomique

Septembre 1945. Véritable héros national au Japon, Marcel Junod fut le premier médecin étranger à porter secours aux victimes d’Hiroshima. Très apprécié du général Mac Arthur grâce à ses bons offices auprès de haut gradés américains prisonniers en Mandchourie, il réussit à accéder à la ville d’Hiroshima dévastée, coupée du monde par les Etats-Unis. Et peut ainsi raconter les corps calcinés couverts de cloques. Raconter l’Apocalypse dans son indicible horreur.

Chaque année, une cérémonie célèbre l’anniversaire de sa mort dans le parc de la Paix où est érigé un monument à son nom. «Nous aurions pu faire tout le film sur son action au Japon tant il a marqué les esprits là-bas», relève le scénariste Jean-François Berger, auteur d’une courte biographie sortie fin mars.

Mais ailleurs aussi, les combats de cet homme d’action visionnaire furent nombreux.

Ethiopie: le toubib joue du revolver

Bien avant Hiroshima, il y eut l’Ethiopie, l’Espagne, l’Allemagne.

Octobre 1935. Mussolini déclare la guerre à l’Ethiopie. Tout jeune chirurgien, Marcel Junod fait ses débuts sous la bannière de la Croix-Rouge dans la poudrière d’Abyssinie. L’aviation du Duce bombarde les ambulances de la Croix-Rouge qui tentent de secourir les victimes de gaz moutarde (utilisé en violation flagrante du Protocole de Genève de 1925).

Excellent photographe, il témoigne par l’image et les mots des ravages des armes chimiques et exhorte le CICR à sortir de son silence assourdissant. Mais en vain.

Lors de la chute d’Addis-Abeba, le bon Docteur Junod «joue du revolver» pour secourir les blessés. «Il y a du Tintin chez lui», sourit Jean-François Berger. «Dans le monde humanitaire, Junod c’est Henry Dunant avec un stéthoscope».

Lors d’un stage à l’hôpital civil de Mulhouse en 1932. Photo: CICR 

Espagne: il instaure les échanges de prisonniers  

1936 – 1939. Marcel Junod œuvre en Espagne au plus chaud de la guerre civile. Il négocie les premiers échanges d’otages, instaure un système de circulation des messages entre prisonniers et leurs familles, qui fera école. Lors de la chute de Barcelone, il obtient avec ses collègues la libération de 5000 détenus, les sauvant d’une mort certaine.

«A l’époque, les Conventions de Genève ne s’appliquaient pas aux civils et ne donnaient pas aux délégués les moyens d’accomplir pleinement leur mission d’intermédiaire neutre entre deux adversaires», rappelle Benoit Junod, fils du médecin et ancien diplomate. «Mon père trouve un terrain vierge, tout est à créer.»

Alors, il ouvre des brèches, négocie, innove. Et tant pis si la foule le conspue en raison d’un accord bafoué par les Républicains. De même, quand il s’agit de sauver de jeunes soldats blessés, il n’hésite pas à esquiver les barrages sans trop se soucier de la sacro-sainte neutralité du CICR!

Et déjà les bruits de bottes nazies l’amènent à l’autre bout de l’Europe…

Allemagne: il s’obstine à «humaniser la guerre»

1940 – 1942. On retrouve le docteur Junod courant d’un bout à l’autre de la France et de l’Allemagne pour tenter de décrocher des autorisations de visites de prisonniers. Il se rend à Londres au moment du blocus aérien pour organiser par la mer les secours des prisonniers de guerre alliés. De la Suède, il met sur pied une gigantesque action d’aide humanitaire en faveur de la Grèce. A Ankara et à Berlin, il cherche des solutions au lancinant problème des prisonniers soviétiques et allemands. Et comme en Ethiopie , comme en Espagne, il engage toute sa crédibilité de médecin et de délégué dans la volonté implacable d’«humaniser la guerre».

1943. Il revient à la médecine civile à Genève. Mais pas pour longtemps. Le temps de se marier et c’est le départ pour le Japon via la Russie et la Mandchourie occupée. Le 9 août 1945, il arrive à Tokyo en flammes par avion militaire japonais, le jour même où la bombe atomique est larguée sur Nagasaki.

Genève: «Mon père, ce héros»

A ce stade de l’histoire, rendons à César ce qui est à César. Le grand homme est davantage genevois que neuchâtelois. Marcel Junod a quitté son canton natal à l’âge de 15 ans, à la mort de son père. L’adolescent et sa mère s’établissent alors à Genève auprès de la famille maternelle et c’est là qu’il passera toute sa vie.

16 juin 1961. Le médecin meurt foudroyé par une crise cardiaque alors qu’il était en service à l’hôpital de Genève. Des séquelles d’Hiroshima? Plutôt que rouvrir la polémique, Benoit Junod préfère se souvenir de ce père exceptionnel.

Comme Marcel, il s’est lui aussi retrouvé orphelin de père à l’âge de 15 ans: «J’ai eu un père feu follet sans cesse aux quatre coins du monde. Mais quand il était avec nous, il faisait preuve d’une disponibilité et d’une qualité d’écoute telles que sa présence me marque aujourd’hui encore.»

 

Infos pratiques

«Docteur Junod, le troisième combattant», film de Romain Guélat et Jean-François Berger, avec la voix de Mathilda May. Production: Image et Son. Du ve 5 au ma 16 avril aux cinémas Apollo à Neuchâtel et Cinemont à Delémont. Ve 5 avril à l’Apollo à 18h, en présence du réalisateur et du scénariste.

A lire: «Marcel Junod» par Jean-François Berger, éd. Georg, 2019.

La vie de Marcel Junod sur le site:

 

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