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Eclairage d’Olivier May: «L’esclavage, une pratique très ancienne et universelle»

Des universitaires et des spécialistes nous éclairent sur des sujets d’actualité, de société ou de recherche. Aujourd’hui, Olivier May, écrivain, relate ses recherches sur les esclavages, lesquels ont été pluriels.

01 juil. 2020, 17:00
Une fresque dépeignant la capture des esclaves sur l'île de Gorée, au Sénégal.

A l’heure du déboulonnement des statues, voici qu’une affaire de Pury secoue Neuchâtel.

J’ai récemment publié une «novella» dans un ouvrage à six plumes des éditions Okama (auquel participait Nicolas Feuz), ouvrage intitulé «L’Etrange Noël de Sir Thomas». Dans ma nouvelle, «Les quatre Noëls de Sir Thomas», ce nobliau britannique lutte contre l’esclavage au début du 19e siècle avec une jeune patricienne neuchâteloise. J’y parle du négoce des tissus imprimés – les indiennes – et des investissements de certains patriciens dans les affaires de leurs cousins armateurs de La Rochelle.

Mes recherches sur l’histoire de l’esclavage m’ont conduit aux constats suivants: cette pratique date au moins de l’Âge du bronze et a touché tous les continents. Et si l’esclavage s’est raréfié en Europe au Moyen Âge, il a continué à segmenter bien des sociétés orientales et africaines.

Le monde arabe a développé une traite transsaharienne et transindienne durant plus de mille ans, légitimée par certains versets du Coran. Elle s’est accompagnée de la traite d’un million d’Européennes et Européens capturés sur les côtes durant quatre siècles.

Déboulonner des statues ne rendra justice à personne et masquera d’autres enjeux

La traite transatlantique, impliquant les Européens, leurs colonies et les royaumes clients africains, légitimée par le Vatican dès la controverse de Valladolid, a duré plus de trois cents ans. Au siècle des Lumières, des sociétés antiesclavagistes sont nées, sur l’initiative, dans certains cas, de rejetons de planteurs ou d’affairistes, comme s’ils souhaitaient racheter les crimes des leurs. Une sorte de «blackwashing» de l’époque? Je pense plutôt à une prise de conscience authentique, ayant joué un rôle déterminant dans l’abolition des traites européennes.

Tous ces faits ne devraient-ils pas être pris en compte dans le débat actuel sur les responsabilités et la mémoire?

Déboulonner des statues ne rendra justice à personne et masquera d’autres enjeux. Approfondir les connaissances sur l’histoire de l’esclavage et les transmettre au public (comme l’a suggéré Nicolas de Pury dans «ArcInfo») est certainement la seule piste prometteuse. Car ce thème reste trop souvent confiné à la problématique réelle (voir les écrits du géographe arabe Ibn Khaldoun ou d’un Gobineau), mais pas exclusive, du racisme.

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