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Figure des Montagnes neuchâteloises, Francis Kaufmann s'est éteint vendredi

Agriculteur amoureux de sa région, passionné d’art et de littérature, Francis Kaufmann s’est éteint vendredi à 87 ans. Hommage à un progressiste humaniste tout-terrain.

08 oct. 2018, 18:21
Francis Kaufmann, agriculteur, journaliste, poète et écrivain, ici en 2013, devant la ferme familiale, lors de la publication de son ouvrage «La fourche et la plume».

«Notre père avait un avis sur tout et disait ce qu’il pensait, toujours dans l’intérêt général. C’était un homme de combat.» Francis Kaufmann est décédé vendredi à La Chaux-de-Fonds, emporté par une tumeur au cerveau à 87 ans. Sur la table de la ferme familiale, au Bas-Monsieur, ses enfants ont étalé des articles de presse, des cartes de la région annotées, des livres signés de sa main. Autant de témoignages de l’activité tout terrain de leur papa, agriculteur avant de devenir journaliste et écrivain. Mais pas seulement.

Lui qui racontait si bien la vie rurale avait pourtant repris sans grande passion la ferme familiale en 1958, à une époque où il n’y avait ni vacances ni tracteur. Le jeune Francis aurait préféré poursuivre des études. Mais il ne devint pas seulement un paysan plein de bon sens qui aimait écrire. «Au chapitre de ses grands intérêts, il y avait aussi les routes et accès», raconte sa cadette Martine. «Enfants, il nous emmenait nous promener dans la région. Il établissait des cartes. Parfois, il me donnait un mètre et me demandait de mesurer un petit pont. Je me demandais bien pourquoi. J’ai compris plus tard...»

Transrun et pont sur le Doubs 

Du pont sur le Doubs au Transrun, en passant par l’accès au Val-de-Travers, le souci de ce progressiste humaniste était de désenclaver les régions. «Depuis tout petit, il s’est toujours battu contre les feux rouges, il avait même présenté un plan de circulation de La Chaux-de-Fonds qui n’a pas été retenu», se souvient son fils Pascal.

«Il était curieux, passionné par le progrès, les nouvelles techniques agricoles, les énergies renouvelables… Tout ce qui était relatif à la région l’intéressait, son passé comme son avenir. Mais il était très démocrate. Il se battait jusqu’au bout, mais si son idée ne passait pas, il respectait la sanction sans en être affecté.» Sauf pour la fermeture de l’école du Bas-Monsieur. «Là, il est descendu dans la rue. C’est la première fois qu’on l’a vu manifester.»

Autant l’avouer tout de suite, je fais partie des gens gâtés par l’existence.
Francis Kaufmann

 

Ce gosse du Bas-Monsieur, qui a passé l’entier de sa vie dans la même ferme, n’a pas seulement côtoyé les agriculteurs. Dans les bucoliques pâturages, il croisait aussi les artistes. Voisin de Georges Froidevaux, «le Picasso des Montagnes», il s’est ouvert à l’univers de la peinture et s’est découvert une passion pour les peintres régionaux – dont il fustigeait encore l’absence au Musée des beaux-arts du Locle l’an dernier.

Parmi eux, Edouard Jeanmaire, à qui il consacrait une biographie en 2009. Les livres… Il en a écrit une petite dizaine, de la saga de la race bovine tachetée rouge à ses mémoires, des récits dans lesquels il cite Arthur Nicolet ou Jean-Jacques Rousseau. L’ensemble de son œuvre a été couronné par le Prix Gasser le mois dernier. «Il allait vendre ses livres au porte-à-porte dans les fermes», précise son fils François, amusé.

«C’était un autodidacte qui avait de l’audace. Ça lui a ouvert beaucoup de portes. Et il nous a transmis ce culot, ce courage de faire ou dire les choses, sans filtre, sans entrave.» Et ce, jusqu’au bout, quand, sur son lit d’hôpital, il avait entrepris de faire modifier les pots à café mal foutus, dont les becs verseurs coulaient à côté.

Un dernier livre à paraître

Lui qui ne se laissait jamais abattre, tel le grand sycomore vieux de 400 ans qui règne sur son domaine, s’est éteint après avoir bien vécu. «Autant l’avouer tout de suite, je fais partie des gens gâtés par l’existence, de cette classe bénéficiant du triptyque du bonheur qui peut s’énoncer comme suit: se sentir bien en famille et en société, pouvoir faire ce que l’on aime, ne pas souffrir de problèmes financiers insurmontables», écrivait-il dans son ouvrage «Emerveillez-vous!» publié en 2012.

Il sera enterré jeudi dans l’église où il s’est marié et où ses enfants ont été baptisés. Une page se tourne, pour la famille Kaufmann, et aussi pour les Montagnes neuchâteloises.

Reste un livre encore à paraître, sur le thème de la vieillesse, écrit avec sa cousine juste avant de tomber malade. Et une leçon de vie: «Quoi qu’il advienne, faisons la part des choses et sachons reconnaître les beaux côtés de la vie. Emerveillez-vous! Emerveillez-vous! C’est bon pour le moral et la santé!», disait-il.

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