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Un paysan brenassier adepte de la décroissance

En travaillant sur un mode extensif, avec de petits moyens plutôt que de gros investissements, le paysan brenassier Vincent Feuz évite les écueils du métier d’agriculteur.

27 avr. 2017, 14:24
/ Màj. le 27 avr. 2017 à 17:03
Vincent Feuz a planté 250 arbres fruitiers dans son verger.

Quel avenir pour l’agriculture au XXIe siècle? Alors que la société d’agriculture de La Chaux-de-Fonds fêtera ses 150 ans cette année, le nombre de paysans a été divisé par quatre de puis les années 1950. Pourtant, des jeunes reprennent chaque année l’exploitation familiale, en tentant de nouvelles pistes.

Après le portrait des Chaux-de-Fonniers Stauffer, éleveurs qui misent sur la génétique, rencontre avec le Brenassier Vincent Feuz, adepte de la décroissance.

C’est une jolie ferme installée sur les Frêtes, aux Brenets. On y trouve de tout: des vaches, des cerfs, des moutons, des poules, des céréales, des légumes, des arbres fruitiers, des prairies fleuries… Mais pas de machines agricoles, ou presque. C’est ce qui frappe comparé à la majeure partie des exploitations. "J’ai toujours eu des idées différentes", confie Vincent Feuz.

Pas besoin d’un second job

Lui a pris le parti de fonctionner sur un mode extensif plutôt qu’intensif. Ici, ni grosses machines ni produits chimiques. Sa structure en reconversion biologique lui permet de vivre, indépendamment des filières, sans cumuler un second job. Et il s’offre même des vacances. "Ne l’écrivez pas, certains vont prendre ça pour de la provocation", s’inquiète-t-il. Mais les faits sont là.

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Fils et petit-fils d’agriculteurs, Vincent Feuz n’a jamais envisagé d’épouser une autre profession. Passionné d’agriculture et de nature, il a néanmoins dû batailler pour s’installer, la transmission au sein de sa famille n’allant pas de soi. Mais ce Loclois d’origine n’a pas désarmé, et c’est sur le tard, vers 35 ans, qu’il s’est établi dans la ferme de son grand-père, son CFC d’agriculteur en poche.

Photos: Chrisitian Galley

Nécessité fait loi. L’exploitation n’avait aucune structure, "ni écurie, ni étable. Rien." L’idée d’un élevage en plein air s’est donc imposé naturellement. Les 25 premiers cerfs sont arrivés en 2004, sept génisses Highland ont suivi l’année suivante. "Je n’avais plus aucun intérêt pour l’activité laitière, trop lourde en terme de matériel et dépendante des filières. Plus l’exploitation est grande, plus les investissements prennent l’ascenseur. Pourquoi s’endetter et produire toujours plus? On sait que c’est aussi la surproduction qui fait chuter les prix." 

Lui ne possède qu’un unique tracteur, "je suis peut-être le seul sur le canton", et un parc de machines dont la valeur n’excède pas 30'000 francs, qu’il partage avec un autre exploitant. Ce qui n’est pas courant dans la profession. Il utilise aussi très peu d’énergie fossile, son élevage ne nécessitant pas d’installation électrique. Pour le reste, des panneaux solaires sont posés sur son toit et il projette d’installer une pompe à chaleur. "Je n’aime pas le gaspillage. Je préfère travailler avec des moyens modestes pour gagner en autonomie."

"Une viande exceptionnelle"

Une centaine de cerfs s’ébattent sur ses terres. Une trentaine sont abattus et vendus chaque année à des restaurateurs et des particuliers. Tout en vente directe. "J’aime bien les animaux sauvages, ils sont esthétiques et la viande est exceptionnelle, comme tout ce qui est extensif. Je pense qu’on ne peut pas produire de façon intensive et garder le même niveau de qualité. C’est valable pour la viande comme pour les légumes."

L’exploitation, qui s’étend sur 38 hectares, dont 24 sont loués au Locle et aux Brenets, compte aussi une trentaine de Highlands, dont trois adorables veaux de 10 jours, conçus le plus naturellement du monde. "Un petit taureau d’une année a fait son affaire sans même que je m’en aperçoive!", sourit-il. Les animaux sont nourris avec du fourrage produit sur l’exploitation, sans aucun intrant. "La viande a du succès, les gens sont devenus plus sensibles à la proximité, aux produits bio."

Marginal dans le milieu

"J’ai envie de laisser une place à la nature. De travailler dans le respect des sols et de la biodiversité. Dommage que l’on ne nous apprenne pas vraiment ce qu’est la terre à l’école d’agriculture… Dans la nature, la monoculture n’existe pas, il faut favoriser les associations. Je plante des arbres, des haies, je favorise la biodiversité avec des prairies extensives… Je n’utilise plus de produits chimiques, ça me rend malade. Bref, je ne suis pas toujours bien compris dans le milieu agricole où on privilègie les plantes à gros rendement."

Les envieux qui assurent que cerfs et highland demandent bien moins de travail qu’un élevage de Holstein ou de Montbéliardes? "Ils devraient s’y mettre aussi", invite Vincent Feuz. "En vérité c’est vrai que ça donne moins de travail que la production laitière notamment, mais le cerf demande cependant beaucoup de travail d’observation, on doit les nourrir tout l’hiver, dehors. Suivant les conditions météo, c’est assez dur. Mais j’en vis. Je n’ai pas besoin de prendre le boulot de quelqu’un d’autre à l’extérieur. Ce qui est normal à mon sens. Quand on travaille une journée entière sur une exploitation agricole, on devrait pouvoir s’en sortir. Sinon, c’est qu’il y a un problème."

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Verger et permaculture

Son dernier coup de cœur est pour les arbres fruitiers. "J’en ai planté 250. La plantation a comencé il y a quatre ans. C’est devenu une véritable passion. Le but est de faire du jus de pommes. Et aussi quelques poires, prunes et coings. Sans traitement, l’entretien du verger c’est beaucoup de travail."

Dans son potager, une butte autofertile laisse aussi deviner son intérêt pour la permaculture. "Les surfaces agricoles diminuent en Suisse… Savoir qu’on peut augmenter la production à la surface, sans nuire à l’environnement, c’est une voie intéressante."

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