Tout change. Même les choses intangibles. Très prochainement, le tronçon Hôtel-de-Ville - Neuve de la rue de la Balance, à La Chaux-de-Fonds, ne comptera plus qu'une seule piste de circulation pour les véhicules automobiles. Cette voie unique sera bordée d'une piste cyclable. Cette modification, qui s'appuie sur une étude des ingénieurs du bureau spécialisé Transitec, à Lausanne, se fera dans la foulée de la réfection du carrefour, dont la date n'est toutefois pas encore connue. Mais la décision est prise, confirme Blaise Fivaz, chef du Service du domaine public.
Cette modification somme toute mineure pourrait avoir des conséquences non négligeables sur la fluidité du trafic dans cette partie du centre-ville.
Les bouchons sont programmés
C'est l'avis du moniteur d'auto-école Gilles Graf: «Une voie de présélection sert à faciliter la fluidité du trafic», rappelle-t-il. «Si on supprime la voie de présélection, tous les véhicules se retrouvent sur la même voie.» Les bouchons sont donc programmés, prévoit-il.
Il est d'autant plus dubitatif que «ce carrefour, qui produisait des bouchons depuis des lustres, fonctionne très bien depuis la suppression des feux.» Un brin ironique, il estime que «la plupart des problèmes de circulation qu'on a à La Chaux-de-Fonds, ce sont les autorités qui les créent!»
Ainsi, note-t-il, «j'avais prédit qu'en supprimant le feu pour les piétons pour le passage piéton menant sur la pastille de la Grande Fontaine cela créerait des bouchons sur le Pod et cela s'est bien réalisé!» Bref, tempête-t-il, «on fait tout pour mettre les bâtons dans les roues des citoyens qui possèdent une voiture. On veut éliminer les voitures du centre-ville, mais, malheureusement, on n'a pas de problème de circulation à La Chaux-de-Fonds, alors on en crée!»
Blaise Fivaz ne partage ni cette analyse, ni ces critiques, ni ces craintes. Les véhicules venant de la place de l'Hôtel-de-Ville sont prioritaires sur ceux venant de la rue du Versoix, rappelle-t-il. Donc le trafic sud-nord s'écoulera aussi facilement que maintenant.
Comptages effectués
Jean-Marc Dupasquier, ingénieur chez Transitec, apaise aussi les craintes de bouchons brandies par Gilles Graf. «Les comptages que nous avons effectués montrent qu'aux heures de pointe, sur 500 véhicules à l'heure provenant de la place de l'Hôtel-de-Ville, 170 à 180 tournent sur la rue Neuve.» Les deux tiers des véhicules continuent tout droit.
Sur un point, il donne raison à Gilles Graf: le moniteur d'auto-école prévoit que, même s'ils y sont légalement contraints, beaucoup d'automobilistes venant de l'Hôtel-de-Ville négligeront d'indiquer leur intention de tourner à gauche sur la rue Neuve. Cela pourrait provoquer une incertitude chez les conducteurs descendant du Versoix et donc un certain ralentissement. Mais, tempère le spécialiste, actuellement déjà des véhicules mal positionnés vu l'étroitesse des voies provoquent le même résultat.
La justification du passage à une seule voie s'inscrit dans la géographie même de ce tronçon. «La largeur de la chaussée est de 4m80», relève Blaise Fivaz. «Cela fait 2m40 par voie de circulation alors que les normes de l'Association suisse des professionnels de la route la fixent à 3m10.» Cette particularité explique d'ailleurs que les voies de circulation sont marquées par une ligne de direction pour permettre aux gros véhicules de circuler à cheval dans les deux voies. «Elles sont donc plus indicatives ou incitatives de mise en présélection que de véritables voies de circulation.»
En définitive, seul l'avenir permettra de dire si la mesure portera les effets escomptés sur la sécurité sans entraver outre mesure la fluidité du trafic automobile. Le cas échéant, dit Blaise Fivaz, les responsables sont prêts à revoir leur copie.
Quant à l'ingénieur de Transitec, il est formel. Cette petite modification permet d'«améliorer la sécurité pour tous les usagers, et plus particulièrement pour les plus vulnérables, les cyclistes et les piétons.» Car, insiste-t-il, «la situation actuelle n'est pas un exemple pour la sécurité!», s'inscrivant en faux contre l'assertion de Gilles Graf, selon lequel «ce carrefour n'est pas plus dangereux que n'importe quel autre carrefour».
La mise sur une seule voie aura un autre effet favorable pour la sécurité: «Actuellement, avec les deux voies, l'automobiliste venant de la place de l'Hôtel-de-Ville se trouve dans l'axe de la route et a tendance à circuler trop vite.» Avec la voie unique bordée d'une bande cyclable à droite, le trafic est déporté sur la gauche de la chaussée et doit infléchir sa course sur la droite après le carrefour, ce qui incite à lever le pied.