Dimanche 10 février, au Cinéma Minimum, nous sommes conviés à faire une expérience cinématographique radicale avec la projection exceptionnelle du documentaire du cinéaste chinois Wang Bing, dont la durée excède les huit heures.
Né en 1967, à Xi’an, ancienne capitale de la Chine, lauréat du Léopard d’or en 2016 avec l’indicible «Mrs. Wang», Wang Bing porte depuis bientôt dix-sept ans un regard d’une acuité aussi impitoyable que patiente sur le développement et l’histoire de son pays.
Empruntant son titre au roman de Gorki, «Les âmes mortes» réunit in extremis les témoignages des survivants d’un camp de déportation situé dans le désert de Gobi, où furent enfermés de 1957 à 1961 trois mille Chinois considérés comme «déviants de droite» par le pouvoir maoïste.
L’enfer sur terre
En toute clandestinité, rusant avec la censure, Wang Bing part à la recherche de ceux et celles qui ont pu réchapper à cet enfer sur terre. Retrouvant une centaine de rescapés, pour l’essentiel des intellectuel(le)s âgé(e)s aujourd’hui de plus de quatre-vingts ans, il recueille leurs récits hallucinants où prisonniers et gardiens frappés par la famine finissent par s’entredévorer.
Comme pour «Shoah» (1985) du regretté Claude Lanzmann, le spectateur accepte peu à peu la durée hors norme de ce chef-d’œuvre, sachant pertinemment que ses protagonistes auront bientôt disparu, jusqu’à désirer en son for intérieur que ces hommes et ces femmes meurtries parlent encore et encore, histoire de repousser l’oubli inéluctable… Rarement geste cinématographique n’aura eu une telle portée!
Cinéma Minimum, à Neuchâtel, dimanche 10 février, film projeté en deux parties. Séances de 14h à 20h.