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Poisson d'avril: un après-midi de Vladimir Poutine sur les traces de Lénine à La Chaux-de-Fonds

Visite éclair du président russe à La Chaux-de-Fonds pour un centenaire.

01 avr. 2017, 00:32
/ Màj. le 01 avr. 2017 à 08:00
Exposition de symboles du quotidien sovietique crees par des eleves de l'Ecole d'Arts appliques, dans le cadre de l'exposition "L'utopie au quotidien. Objets sovietiques 1953-1991"  au Musee des beaux-arts 

La Chaux-de-Fonds, le 21.03.2017
Photo : Lucas Vuitel MUSEE DES BEAUX-ARTS LA CHAUX-DE-FONDS

«Oui, le président russe a fait un bref passage à La Chaux-de-Fonds dimanche dernier. Nous avons été avertis très tard et le Conseil communal s’est borné à aller le saluer à son arrivée à l’aéroport des Eplatures.»

Ce que confirme ci-dessus la présidente du Conseil communal Sylvia Morel, c’est que le président russe Vladimir Poutine est bien venu, dimanche passé, à La Chaux-de-Fonds. Il y a fait un saut aussi éclair que secret pour rendre discrètement hommage à son homonyme Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine, pour le 100e anniversaire de sa conférence au Cercle ouvrier, juste avant son retour en Russie et la révolution d’Octobre. «L’Impartial» n’a appris l’événement qu’hier.

Qu’a fait le président russe à La Chaux-de-Fonds? Il s’est d’abord rendu devant l’ancien Cercle ouvrier de La Chaux-de-Fonds, qui donnait sur l’actuelle place des Brigades Internationales, en dessous de l’ABC. «Je lui ai lu un passage de ce qu’avait écrit la femme de Lénine, Kroupskaïa, sur ce moment important pour l’histoire russe», raconte l’ancien juge fédéral Raymond Spira, historien du mouvement socialiste dans les Montagnes neuchâteloises. Que disait Kroupskaïa? Que c’est le lendemain de la conférence à La Chaux-de-Fonds (réd: sur les moyens d’éviter de répéter les mêmes erreurs que la Commune de Paris, en 1871) «qu’il y eu la réunion de différents groupes d’émigrés russes de nuance internationaliste pour discuter des moyens de pénétrer en Russie».

L’enterrement de Lénine

Raymond Spira, qui se dit personnellement plus que réservé vis-à-vis du personnage et de la politique de Vladimir Poutine, note que le président russe n’a pas dit un mot. A se demander pourquoi il faisait ce «pèlerinage», lui qui, à d’autres moments, n’a pas caché sa volonté d’enterrer en douce le camarade Lénine, dont les idées ont conduit d’après lui tout droit à l’effondrement de la Grande Russie.

Le président Poutine a en revanche été élogieux lorsque le directeur de la Bibliothèque de la ville, Jacques-André Humair, lui a présenté le fonds Jules Humbert-Droz, acteur chaux-de-fonnier important de l’Internationale communiste, devenu secrétaire du Parti socialiste suisse à son retour de Moscou. «Il a dit que la conservation de tels mémoires dans une institution comme la nôtre était exemplaire», rapporte le directeur.

Jacques-André Humair a juste eu le temps de remarquer l’aplomb et le regard perçant du personnage, qui n’a pas fait long feu là non plus. Il a surtout remarqué «la panoplie de gardes», agents de sécurité d’un quasi-monarque, déployé dans et autour de la bibliothèque.

A La Chaux-de-Fonds, le président russe ne pouvait pas passer à côté de l’exposition sur l’utopie soviétique au quotidien, présentée au Musée des beaux-arts. D’autant plus que sa conservatrice Lada Umstätter est binationale suisse et russe. «Il n’a pas beaucoup aimé l’exposition», a constaté celle-ci. «Il m’a dit que plutôt que d’exposer la vie quotidienne en Union soviétique, j’aurais mieux fait de m’intéresser à la Russie actuelle. Ou alors de montrer la conquête du cosmos avec Gagarine ou l’arrivée triomphale du brise-glace Lénine à New York en 1959.»

Comme Jacques-André Humair, Lada Umstätter a aussi été impressionnée par la sécurité entourant le président. «Des agents spéciaux sont venus la veille examiner tous les coins du musée».

L’impérialisme russe

Le doyen des militants du POP Charles de la Reussille, invité à l’apéritif dînatoire en l’honneur du président russe au Musée des beaux-arts, comptait ruer un peu dans les brancards. «En souvenir de feu le camarade chaux-de-fonnier Fritz Moser qui avait assisté à la conférence de Lénine en 1917, je pensais dénoncer sa politique antisociale et impérialiste.»

Il n’a pas pu le faire. Le président russe a sauté l’agape pour repartir en jet privé des Eplatures pour Moscou avant la nuit. On murmure que le matin, il avait déjà rendu une visite toute aussi discrète à Jean-Luc Mélenchon dans sa maison de campagne de Lombreuil, pas très loin d’Orléans. Etait-ce pour brouiller, avec ce camarade pas assez russophile, les pistes du financement du Front national après la visite de Marine Le Pen à Moscou? L’Histoire le dira. Mais visiblement on se souviendra moins de son passage à La Chaux-de-Fonds que de celui de Lénine.

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