Deux pièces d'Ibsen le Norvégien adaptées par un homme de théâtre argentin, présentées en espagnol et dans un décor unique: la soirée s'annonce tout sauf banale, aujourd'hui à La Chaux-de-Fonds!
«Ce théâtre-là est dynamique, rapide comme la vie, à la fois drôle et touchant», s'enthousiasme Andrea Novicov, directeur artistique de L'Heure bleue et du Théâtre populaire romand, que les questionnements sur la forme, sur la façon «dont on ramène jusqu'à nous quelque chose qui date» passionnent. «Daniel Veronese dépoussière comme je l'ai rarement vu».
Quand il s'empare de «Maison de poupée» et de «Hedda Gabler» - respectivement retitrées «Le développement de la civilisation à venir» et «Tous les gouvernements ont évité le théâtre intime» -, Veronese n'hésite pas, en effet, à réviser le texte en profondeur. «Ibsen est un auteur aux idées concrètes et révolutionnaires pour son temps, mais des idées qui furent révolutionnaires peuvent s'avérer caduques», justifie le metteur en scène (propos rapporté dans le dossier de presse). Rares, estime-t-il, sont les uvres dramatiques qui sur le plateau fonctionnent telles qu'elles ont été écrites. Alors, il se livre à une «dissection» de l'uvre, il traque la vérité dans chaque phrase, chaque mot ou chaque situation, en travaillant aussi, et beaucoup, sur le corps de ses interprètes: «Tout ce qui n'est pas dit ni advenu entre les corps des acteurs, très souvent, ne me paraît pas nécessaire.» Veronese concentre l'action; il assume une réécriture très poussée de «Hedda Gabler», dont il livre une version plus chorale que celle d'Ibsen; il recourt à l'intertextualité, citant par exemple Ingmar Bergman dans «Maison de poupée».
Comment ramener Ibsen jusqu'à nous? Outre ces courts-circuits temporels, Veronese s'accorde une grande liberté scénographique, en installant ces deux trajectoires de femmes en quête d'émancipation dans un décor préexistant - celui de «Budin Ingles» de Mariana Chaud. /DBO
La Chaux-de-Fonds, théâtre de L'Heure bleue, ce soir à 19h; spectacles en espagnol, mais surtitrés. A lire: «Buenos Aires, génération théâtre indépendant», entretiens avec Judith Martin et Jean-Louis Perrier, éd. Les Solitaires intempestifs, 2010