Le public était convié samedi soir au TPR à La Chaux-de-Fonds à un match de boxe. En réalité, on se trouvait plutôt dans les vestiaires après la victoire, gants ôtés, pour céder la place au pouvoir des mots.
L’idée d’adapter «Le Maure de Venise» au monde contemporain est venue à Sandro De Feo, qui endosse le rôle de Iago. Le champion Othello lui ayant préféré Cassio comme entraîneur, il monte un complot pour les détruire.
L’essentiel des dialogues shakespeariens a été conservé dans une intrigue resserrée sur une nuit et un plateau constitué de trois comédiens, dont deux jouent acrobatiquement plusieurs rôles. Certaines scènes ou changements d’acte sont illustrés par le duo de musique techno neuchâtelois Psycho Weasel. On peut trouver l’argument sportif quelque peu artificiel, il n’en reste pas moins que d’assister à ces joutes verbales suscite une certaine jouissance.
A la manière d’Hitchcock
Plusieurs raisons à cela. La mise en scène sur un tatami démontable, autour de deux bancs déplacés en fonction de l’action, pour être sobre, n’en est que plus efficace, sans mouvements inutiles. Le jeu du trio dans un tempo rapide rend bien l’évolution psychologique des personnages, depuis le triomphe de l’amour entre Othello et Desdémone jusqu’à leur absolu désarroi face aux insinuations d’adultère distillées par le fourbe Iago.
Tout en violence contenue, désarmé dans cette bataille imposée par le sort, Alain Borek est remarquable.
Le spectacle trouve son apogée lors de la scène du féminicide, conduite à la manière d’Hitchcock, confondant meurtre et amour physique. L’étreinte fatale s’accomplit sous les trépidations de néons clignotants parmi les notes aiguës des platines de «Psycho». Passionné et passionnant!
Didier Delacroix