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L'échec du spectacle mis en scène

29 sept. 2009, 07:49

Monter une pièce sur l'auteur de La Société du spectacle relève d'un contresens. Pourtant, le metteur en scène et comédien Jean-Michel Potiron, lecteur attentif de l'écrivain et essayiste Guy Debord, sait bien que le seul art possible est celui qui se dépasse lui-même par la contradiction. Aussi «Le Dernier des dériveurs», créé vendredi dernier au Temple allemand de La Chaux-de-Fonds, sert la cause perdue d'un théâtre de l'échec.

Selon Debord, l'art a pour tâche de réaliser la philosophie et de tendre toujours «au bouleversement passionnel de la vie». Or ce n'est pas le théâtre - art bourgeois du paraître et de la contemplation bénigne - qui est susceptible de mettre en oeuvre ce programme révolutionnaire. Au contraire, le «spectacle», entendu au sens large, est l'expression aboutie de notre société de consommation, qu'il s'agit de rejeter… à tout prix.

«À tout prix», c'est le nom de l'équipe indépendante dont s'entoure Potiron. À l'occasion d'une avant-scène inattendue, l'unique comédien rencontre son public à l'endroit symbolique des caisses pour lui faire part de son embarras: la pièce n'est pas prête; on annule! Et Potiron s'avère trop bon acteur pour que nous n'y croyions pas, au moins un instant. Si quelqu'un s'est joué de nous avant l'entrée dans la salle, où le spectacle a-t-il réellement commencé? Au coeur même de notre vie sociale, répondrait Debord.

Ce théâtre intellectuel ne donne pas seulement à réfléchir: il prétend faire agir. Et certes, les spectateurs sont entraînés dans les rues à la suite du comédien, pour devenir les acteurs d'une bruyante manifestation artistique. Mais l'échec inévitable du projet théâtral n'en retentit que mieux: c'est sans la moindre autonomie que nous endossons le rôle de révoltés acquis d'avance à la cause de leur chef. 

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