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Des Chaux-de-Fonniers militent pour que le sort désigne les élus.

Le 14 mars, à La Chaux-de-Fonds, une soirée sera consacrée au tirage au sort des futurs représentants politiques. En Suisse, le mouvement Génération Nomination (GéNomi) a entamé sa campagne d'information sur le sujet et s'apprête à lancer une initiative sur le plan national. Interview d'Yves Sintomer, membre scientifique de GéNomi.

04 mars 2017, 15:52
/ Màj. le 05 mars 2017 à 07:00
Yves Sintomer est professeur en sciences politiques et membre du Conseil scientifique et stratégique au sein du mouvement Génération Nomination, abrégé GéNomi.

Le mardi 14 mars, au Café Cercle de l'Union, rue de la Serre 64, à 19h30, un café citoyen sera consacré à une discussion autour du tirage au sort en politique à La Chaux-de-Fonds.

Le procédé vise "à mieux représenter le peuple, éviter la mainmise des lobbies ainsi que les conflits d'intérêts, et à favoriser le bien commun". En Suisse, le mouvement Génération Nomination (GéNomi) a lancé sa campagne d'information sur le sujet et s'apprête à lancer une initiative sur le plan national.

"Filtrées, ordonnées par les partis, les listes électorales sont livrées aux citoyens qui ne peuvent choisir que parmi les candidats adoubés. Seuls ceux au sommet des listes, financièrement soutenus et médiatiquement exposés, ont de réelles chances. Les autres 'petits' candidats et hors partis, soit 98% de la populaiton, aucune. Le citoyen est dépossédé d'une partie de ses droits démocratiques et est bercé par l'illusion du choix, en réalité extrêmement réduit."

Interview du Professeur en sciences politiques,Yves Sintomer, membre du Conseil scientifique et stratégique de GéNomi. 

Le tirage au sort en politique se pratique-t-il déjà ailleurs? 
Le tirage au sort a été massivement utilisé dans l’histoire républicaine et démocratique, notamment à Athènes, dans l’Italie des Communes, dans certains cantons suisses. Très souvent, il était combiné à l’élection. Aujourd’hui, il revient dans des centaines d’expériences. Les Irlandais ont l’an dernier approuvé par référendum une réforme constitutionnelle légalisant le mariage pour tous. L’amendement avait été proposé par une assemblée citoyenne majoritairement tirée au sort. Au Mexique, le parti de gauche Morena, dont le dirigeant est le favori des sondages pour les prochaines présidentielles, a tiré au sort ses candidats aux dernières législatives sur la base d’une liste restreinte composée par élection dans les cercles de base. En Oregon, aux USA, avant chaque votation qui vient conclure une initiative populaire, un jury citoyen tiré au sort discute de la question et ses conclusions sont envoyées aux citoyens avec les argumentaires des auteurs de l’initiative et du gouvernement.

Vu le manque de facilité à renouveler les listes de candidats un peu partout, est-ce selon vous une solution d’avenir?
La focalisation presque exclusive des démocraties occidentales sur l’élection est sans doute une parenthèse historique. Une démocratie qui ne bouge pas s’étiole. Le tirage au sort n’est pas une solution magique, mais il est porteur de plusieurs vertus, pour lesquelles on y a fait recours dans le passé. Il limite les conflits de pouvoir et les ambitions personnelles. Ce qui n’est pas rien, lorsque les responsables politiques sont vus par les citoyens comme défendant d’abord leurs intérêts, plutôt que celui des gens ordinaires. Il permet d’inclure des personnes venues d’expériences sociales très diverses, beaucoup plus que celles d’où sont normalement issus les politiques professionnels ou semi-professionnels. Enfin, il constitue un instrument de démocratie directe, différent de la Landsgemeinde, de l’initiative ou du référendum, car il donne à tout à chacun les mêmes chances de participer à la délibération et à la décision.

Quel est votre constat, selon vos recherches?
Combiné avec d’autres instruments, plus traditionnels (nous avons besoin aussi d’expertise, de mouvements sociaux et d’organisations populaires, de débats politiques tranchés, d'initiatives populaires), le tirage au sort peut contribuer à rénover la vie démocratique. Grâce au fédéralisme et à la démocratie directe, la démocratie suisse a une légitimité plus grande que dans les pays voisins, mais les partis y ont aussi perdu beaucoup de popularité. Sur certaines décisions, qui regardent par exemple le long terme et les générations futures, pourquoi ne pas confier à des citoyens tirés au sort un pouvoir de veto et de proposition? Pourquoi ne pas coupler élection et tirage au sort, comme cela se fait dans le parti Morena au Mexique et comme cela se faisait dans le Canton de Glaris avant la révolution française? La Suisse doit innover pour continuer d’être une démocratie exemplaire.
 

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