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Décès de Lucien Tissot, défenseur du patrimoine chaux-de-fonnier

Lucien Tissot, avocat, peintre et pionnier de la défense du patrimoine, n’est plus.

02 févr. 2021, 14:00
Lucien Tissot, ici lors de son unique exposition en 2012, avait appris à observer et comprendre la valeur des choses, que ce soit la nature ou le patrimoine historique.

Lucien Tissot a disparu du paysage des Montagnes neuchâteloises, à l’instar de l’arnica, la gentiane bleue ou l’immortelle, ces fleurs emblématiques de la région qu’il avait appris à ses enfants à reconnaître et qu’on ne rencontre plus guère aujourd’hui.

Né à Bienne, le premier jour du printemps 1939 sous d’énormes tatouillards, il était arrivé en famille six ans plus tard à La Chaux-de-Fonds, à bord de la Flèche du Jura. Son père, André, avait été nommé directeur du gymnase.

Frondeur et militant

On aimait croiser Lucien, béret vissé sur la tête et pipe au bec, sur la place du Marché de La Chaux-de-Fonds, où il avait son cabinet d’avocat. Spécialisé dans la défense de la propriété intellectuelle, il était un des pionniers du canton dans ce domaine. Un homme juste, plein de bon sens, qui savait plaider une cause mais aussi taper du poing sur la table et enfoncer le clou.

Etudiant à l’Université, il militait dans l’esprit syndicaliste. Fondateur de la Nouvelle gauche, président de la Fédération des étudiants de Neuchâtel (FEN), il s’était très jeune impliqué du côté des opprimés, que ce soit pour défendre la cause des indépendantistes durant la guerre d’Algérie, ou celle du patrimoine historique des Montagnes neuchâteloises.

Aspam et musée paysan

En 1963, entraîné par son père André, il fut de ceux qui empêchèrent la démolition d’une vingtaine de fermes en fondant l’Association de sauvegarde du Patrimoine des Montagnes neuchâteloises (Aspam). Une initiative totalement à contre-courant à une époque où on ne jurait que par le progrès. Il participa également à la création du Musée artisanal et paysan, sans aucun soutien financier, ni politique.

A défendre ce qui n’avait pas de valeur pour beaucoup, il avait un côté héroïque et précurseur. Construite en 1974, sa maison, rue de Jérusalem, fut bâtie avec quantité de matériaux de récupération, comme les poutres des maisons de la rue du Collège et les dalles de l’ancienne ferme Aciera.

«Quand il apprenait qu’une maison allait être démolie, on allait récupérer. Et chaque fois qu’il voyait une benne, il s’arrêtait. L’esthétique guidait sa démarche, il s’extasiait devant les petits détails soignés d’antan, bien avant notre époque de l’obsolescence programmée», se souvient sa fille Nathalie.

Son grand amour, le Doubs

Il avait rencontré Jacqueline, sa future épouse, «une fille du bas», alors qu’elle était tombée en panne à la Vue-des-Alpes… Pour leurs trois enfants, Nathalie, Marie et Gilles, il était le pilier de la famille, écouté et consulté.

Et puis il y avait son autre grand amour, le Doubs, son Doubs. Celui qu’il n’a jamais cessé de peindre, le soir et le week-end, en toutes saisons, depuis sa plus tendre enfance quand il devait tremper ses pinceaux dans l’alcool, car l’eau gelait.

Le Doubs encore, qui faillit lui prendre la vie, quand ado, il entreprit de le traverser gelé et que la glace céda. C’est son frère cadet Alain qui le tira de là et le conduisit dans la maison la plus proche, chez des Français qui le vêtirent avec les habits du grand-papa défunt.

Ce n’était pas son heure. Lucien Tissot est décédé à l’hôpital de La Chaux-de-Fonds le 21 janvier, emporté en une semaine par une maladie foudroyante, tandis que dehors, sa ville disparaissait sous les tatouillards.

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