Ceux qui ne l'aimaient guère le surnommaient «Monsieur Moâ» en référence à l'ego démesuré qu'ils lui prêtaient. Ce à quoi Sacha Guitry rétorqua: «Pauvres sots qui me reprochez ma façon de dire moi, si vous étiez de mes intimes, vous sauriez comment je dis toi.» C'est sur cette citation que s'ouvre la mise en scène de «Toâ» proposée demain à La Chaux-de-Fonds par la compagnie Piccola Familia.
Quand il crée cette pièce, en 1949, Guitry a connu son âge d'or, puis un dur retour à la réalité: roi de Paris dans les années 1930, il sera emprisonné à la Libération, prévenu, sans fondement, de collaboration. Faire choir ses icônes n'est pas le privilège de notre époque... Il faut dire que Guitry avait poussé loin l'art de la représentation. Auteur, il interprète, et met en scène, ses propres pièces. Sa vie privée semble se confondre avec sa vie publique, et le fait qu'il donne la réplique à ses épouses successives, qu'il fasse, parfois, de son salon le décor de ses pièces, ajoute à la confusion.
Peut-on jouer ainsi avec sa propre vie? Où est le théâtre? Où, le réel? Auteur dramatique, le personnage de «Toâ» écrit une pièce sur ses déboires conjugaux, après que sa femme l'eut quitté. Guitry s'interroge sur son art et sur lui-même, au prix d'une mise en abyme qui a séduit la très jeune Piccola Familia - 25 ans de moyenne d'âge! «Je fais partie de cette génération pour qui Guitry est une vague (et fausse) idée de théâtre de boulevard», écrit dans sa note d'intention le metteur en scène, Thomas Jolly. «Pourtant en février 2007, la curiosité m'a poussé à lire... pour savoir. Et ce fut une rencontre surprenante. Avec une forme, une langue, avec une pensée, avec une pièce, avec une époque, avec l'homme.» /dbo
La Chaux-de-Fonds, L'Heure bleue-théâtre, mercredi 30 septembre, 20h30