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Libre opinion: nos lectrices et lecteurs écrivent à propos de l’initiative pour des multinationales responsables

La campagne sur l’initiative pour des multinationales responsables, soumise au vote le 29 novembre prochain, bat très fort. Et nos lectrices et lecteurs donnent leur avis.

08 nov. 2020, 11:00
La zone de Madre de Dios, dans la Pampa au Pérou, connue pour ses pratiques illégales en matière d’extraction de l’or.

Quelles responsabilités pour les PME?

Me référant aux propos tenus dans les médias par M. Cloux, patron d’Importexa, je comprends sa crainte de voir les PME traînées devant les tribunaux suisses en raison d’actes répréhensibles de fournisseurs étrangers et contraintes d’assumer les éventuels dérapages. Cependant, je pense qu’il interprète mal les buts visés par l’initiative.

En effet, à l’art. 101a al 2a «Responsabilité des entreprises» modifiant la Constitution fédérale figureraient les précisions ci-après: «Les entreprises doivent respecter également à l’étranger les droits de l’homme et les normes environnementales internationales; elles doivent veiller à ce que ces droits et ces normes soient également respectés par les entreprises qu’elles contrôlent)».

Dès lors, n’impliquant aucune autre obligatoire ou responsabilité, le contre-projet n’est pas crédible.

Sens de ce texte: une PME faisant du commerce avec des fournisseurs indépendants d’elle à l’étranger n’a aucune crainte à avoir car elle est en dehors de cette disposition. En revanche, une PME détenant à l’étranger une filiale ou disposant de fournisseurs exclusifs serait alors visée puisqu’elle a en main un contrôle économique de fait, comme dans le cas d’une filiale.
Le contre-projet du Parlement suffisamment sévère et ciblé pour M. Cloux est un leurre destiné à rassurer le peuple et influencer son vote. En fait, ce projet n’exige des entreprises que la rédaction d’un rapport annuel certifiant que les mesures de protection de l’homme et de l’environnement sont prises aussi à l’étranger. Dès lors, n’impliquant aucune autre obligatoire ou responsabilité, le contre-projet n’est pas crédible.

Enfin, je suis en partie d’accord avec le reproche de M. Cloux «de vouloir faire porter les responsabilités incombant aux Etats étrangers sur les épaules des entreprises suisses». C’est vrai pour les grandes multinationales brassant leurs affaires par le truchement de filiales ou de PME, notamment dans le domaine de l’or ou des diamants. Hormis ces situations, les entreprises et PME, grandes ou petites, ne risquent rien.

Quant aux Etats qui ne font pas leur devoir envers leurs concitoyens, c’est tristement vrai et les grandes multinationales savent à qui s’adresser pour obtenir des avantages ou facilités dont la population ne bénéficie aucunement.

Bertrand Parel, Cortaillod

Immorale et discriminante

L’initiative sur laquelle nous votons fin novembre veut protéger les droits humains et l’environnement. L’objectif est juste et moral! Ce qui est immoral, c’est la manière dont veulent procéder les initiants pour y parvenir.
Des mesures uniques au monde: une suspicion généralisée et des responsabilités titanesques, qui visent nos multinationales mais aussi également plus de 80 000 PME suisses, qui devront répondre d’actes dont leurs sous-traitants ou même simples fournisseurs seraient responsables! De plus, le fardeau de la preuve serait renversé! Cela veut dire que c’est à la petite PME suisse de prouver qu’elle est innocente, même si elle n’a rien fait de mal. C’est contraire à ce qui se fait en Suisse jusqu’à présent et dans un monde juste. Cette initiative désavantage et discrimine nos entreprises suisses. C’est immoral et injuste!

Je voterai «Non» à cette initiative extrême, immorale et discriminante.

Alex Ferreira, Boudry

Suspicion généralisée

Contrairement à ce que souhaitent faire croire les initiants, le texte de l’initiative ne parle pas de «multinationales», mais bel et bien «d’entreprises». En cas de «oui», c’est 80 000 PME qui seraient touchées. Je ne mets pas de doute sur le fait que la large majorité d’entre elles se comportent déjà de manière responsable. Il est donc regrettable de vouloir toutes les placer sous suspicion généralisée. D’autant plus que l’initiative ne réglera pas les problèmes qu’elle dénonce.

En cette période de crise, il s’agit d’éviter toute expérimentation dangereuse, qui mettrait encore plus en danger nos emplois. De plus sur le long terme, en cas de oui, la Suisse perdrait en attractivité, sans améliorer la vie des populations dans les pays en question. L’initiative souhaite que la Suisse fasse la police partout dans le monde, comme si les autres États en étaient incapables. Imaginons si un autre pays faisait un pareil affront à la Suisse. On dirait tous non!
«Non» à l’incrimination de nos PME et à la mise en danger de nos emplois!

Pierre Surdez, Le Locle

«Extraire à n’importe quel prix»

Entre 2016 et 2018, j’ai eu le privilège de traverser à vélo l’Amérique du Sud dans le sens Sud-Nord. Tout au long de mon périple, j’ai longé et approché nombre de sites miniers implantés le long de la cordillère des Andes notamment lors de la traversée du Pérou. Sur l’Altiplano péruvien proche de Cuzco ainsi sur le col d’Abra Anticona à près de 5000 m, proche de Lima, j’ai longé des concepts miniers gigantesques, dont celui mentionné sur le site des initiants de la votation sur les multinationales responsables, le site d’ Antapaccay et celui de la mine multiminerais de la Oroya.

L’immensité de ces sites a frappé mon esprit, particulièrement la longueur de ces zones minières, un à deux jours à vélo pour les franchir! L’état du paysage aux alentours est dantesque: balafres, trous béants, désolation, montagnes énormes noires et grises de minerais extraits, lacs pollués, bassins de rétention d’une couleur inquiétante, odeurs douteuses, fumées et poussières grisâtres, noires. Dans les villages proches traversés, la pauvreté se voit, la saleté aussi, les mauvaises conditions sociales, sanitaires sont évidentes; nul besoin de mener une enquête pour se rendre compte de l’état désastreux de ces régions! Les responsables sont vite trouvés, les multinationales de ces sites, en l’occurrence Glencore pour le premier et Doe Run (USA) pour le second. Aucune morale, éthique, extraire à n’importe quel prix, sans foi ni loi, du cuivre au zinc, du plomb au lithium et autres minerais, le profit maximal avant tout est l’objectif principal; par notre consommation, nous sommes pleinement concernés!

Interrogation, sentiment d’injustice, de tricherie, le côté sombre de mon voyage à vélo! Pourtant, tout au long de mes périples, j’ai mesuré l’intérêt, l’attrait des populations pour notre pays; la Suisse est extrêmement bien vue grâce surtout à Roger Federer… le chocolat et les montres! Par contre, les entreprises minières, les banques sont souvent montrées du doigt, embarras!

Voter «oui» à cette initiative apportera un signal fort, salutaire pour que la situation sociale, humaine, environnementale devienne digne de ces populations retirées, invisibles, pauvres; la réputation de la Suisse en sera grandie, les entreprises suisses gagnantes à très court terme, un signal infiniment fort, salutaire, vital.

Maurice Weibel, Nods

Cherchez la contradiction!

Que craignent les patrons des PME, selon leur vidéoconférence du 27 octobre? Que l’initiative leur nuise à terme, disent-ils, sans préciser comment. Elles instillent la peur alors que l’anonyme patron, cité sous la photographie qui accompagne votre compte rendu, spécifie que nos entreprises sont exemplaires. Cherchez la contradiction.

Décidément tout est bon pour préserver les libertés des entreprises suisses à l’étranger.

Pendant le débat du 28 octobre sur TSR 1, les opposants de l’initiative affirment que 80 000 entreprises (exemplaires?) seraient touchées. Mme Keller-Suter met donc en doute la capacité de sa majorité au Conseil national de tempérer la loi d’application de l’initiative des multinationales responsables selon les directives du texte précisant que «le législateur tient compte des besoins des petites et moyennes entreprises qui ne présentent de tels risques que dans une moindre mesure».
La même conseillère fédérale promet d’adopter le droit européen plutôt que de le précéder. Etonnant pour un gouvernement qui n’arrive pas à signer, à juste titre, le contrat négocié avec l’Union européenne qui prévoit ce processus. Décidément tout est bon pour les opposants pour préserver les libertés des entreprises suisses à l’étranger. Leurs représentants manifestent que leur politique contredit le souhait du pape François dans son encyclique «Tous frères» qui affirme (No 177) que «la politique ne doit pas se soumettre à l’économie…

Alors, accepter l’initiative en ce mois de novembre, c’est voter pour une action éthique efficace en faveur des personnes lésées, avant que la DDC se sente obligée de les aider avec nos impôts.

Daniel Devaud, La Chaux-de-Fonds

Lettre ouverte à Karin Keller-Sutter

Vous prétendez qu’une brochure sur papier glacé suffit pour atténuer la responsabilité des multinationales sur leurs activités à l’étranger. Vous tentez d’effrayer le public en disant que des sociétés vont quitter la Suisse et provoquer du chômage. Or vous savez bien que le principal motif qui fait que ces sociétés restent chez nous c’est l’aspect financier, auquel il faut ajouter la stabilité politique et la sécurité de notre pays. Et que les PME ne sont pas concernées.

«Vous vous moquez de la manière dont elles le gagnent à l’autre bout du monde.»

Mais vous faites semblant d’ignorer que Syngenta, en 12 semaines, a empoisonné pas moins de 800 paysans dont 20 sont morts, par l’utilisation d’un pesticide interdit en Suisse et dans l’UE, mais fabriqué à Monthey, puis exporté aux Indes. Ou que LafargeHolcim exploite une cimenterie au Nigeria. Depuis que la production de ciment a commencé, la poussière recouvre tout. Les habitants souffrent des poumons et des voies respiratoires qui sont attaquées par l’air pollué. Ou encore que Glencore exploite au Pérou une mine qui pollue l’environnement avec des métaux lourds tels que le plomb et l’arsenic. Tout est pollué, l’air, l’eau, le sol. Cela provoque de l’anémie, des paralysies et d’autres handicaps sévères, en particulier chez les enfants. Ce qui vous intéresse, c’est l’argent que rapportent les multinationales chez nous. Vous vous moquez de la manière dont elles le gagnent à l’autre bout du monde.

Aujourd’hui il n’est plus possible de raisonner ainsi.

Notre gouvernement est aussi responsable de la manière dont une entreprise sise chez nous, se comporte ailleurs dans le monde. Rien n’a plus de prix que la dignité humaine. Ce que rapportent les actions est largement secondaire.

Jean-Thierry Langer, Orbe

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