Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Le regard est le médiateur des cœurs

La vie en institution de retraite nous est contée grâce au personnel actif entre ses murs. Aujourd’hui, Sylviane Méreaux, infirmière cheffe du Home Bellevue, au Landeron, évoque une expérience de vie autant que professionnelle.

13 mai 2021, 16:00
DuCôtéDesHomes_AccrocheWeb_1500x843px

Il y a un an a commencé cette pandémie qui nous frappe encore. Les EMS, même ceux qui ont été épargnés comme le home Bellevue, sont passés par la peur, l’angoisse, les interrogations, le découragement, etc. Mais, et je tiens à le relever, aussi par des moments de rapprochement, de solidarité, de joies et de rires.

Grandir dans la crise, tel est le défi dans nos établissements.

Les résidents nous suivent en toute confiance, et c’est un cadeau. Ils voient leur famille dans un temps limité, ne peuvent se toucher ou s’embrasser. Nous sommes à leurs côtés pour traverser cette épreuve et les accompagner quand la tristesse les gagne.

Au début, avec le masque, les résidents nous confondaient. Maintenant, ils regardent la couleur de nos yeux.

Mais ces mêmes résidents nous font grandir. Ils ont appris à lire dans nos yeux. Les masques que nous portons gênent la communication verbale. Grâce à leur faculté d’adaptation, nos aînés nous ont permis de développer davantage la communication non-verbale. Une collègue et moi nous ressemblons: cheveux gris et courts, même taille, lunettes. Au début, avec le masque, les résidents nous confondaient. Maintenant, ils regardent la couleur de nos yeux et disent «ce n’est pas S. c’est F.».

Un philosophe suisse du 19e siècle, Henri-Frédéric Amiel, disait: «Quand le regard parle, la parole se tait.» La vie se lit dans les yeux: mélancolie, tristesse, désespoir, inquiétude et surtout joies, malice, bonheur et rires. Les résidents perçoivent nos émotions en regardant nos yeux. Ils se sont habitués à nos masques qui cachent nos rides, selon eux.

De même, nous sommes attentifs à leur regard: quelle émotion les habite aujourd’hui? Un œil pétillant, lumineux, malicieux nous emporte ensemble dans le rire, la joie. Nous avons partagé des moments inoubliables, de complicité, et de rires avec les résidents.

Récemment, nous avons troqué nos uniformes blancs contre des tenues professionnelles colorées. Madame M. demande la même «chemise». Elle trouve cette couleur trop belle et quand elle touche notre blouse, son œil brille de plaisir.

Un œil triste, larmoyant, perdu dans le vague, nous fait tenir une main, être à l’écoute. Ces moments d’émotions sont propices aux confidences et au partage de leur histoire de vie. Un regard, une vie! Le regard est le médiateur des cœurs. Il est signe de vie.

Je suis en fin de carrière et ne pensais pas vivre cette dernière année ainsi. Je considère toutefois cette crise sanitaire comme une expérience de vie autant que professionnelle.

Aujourd’hui je retiens ce message de Michel Houellebecq: «La possibilité de vivre commence dans le regard de l’autre.»

Votre publicité ici avec IMPACT_medias