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Le jour où le lave-vaisselle a tué l'esprit capitaliste

20 janv. 2011, 12:07
Au quotidien, le rituel se répétait dans la minuscule cuisine. Pour le petit, le repas commençait par un cauchemar: la cuillerée d'huile de foie de morue. Autour de la table en formica gris, on jouait des coudes pour être assis à 12h30. Quand l'observatoire chronométrique donnait l'heure exacte, le silence s'installait. Les catelles suintaient d'humidité - surtout les jours de tranches panées - les hottes de ventilation n'existaient pas. En hiver, on grelottait, fenêtre ouverte. On empoignait les pots de moutarde recyclés en verres à sirop. Du journal de la Radio romande, le petit tentait de capter ce que signifiait crise pétrolière. Il comprenait surtout dimanche sans voiture. Juste après les informations, on éteignait le poste et on posait des questions. Puis le père s'en allait fumer la pipe au salon, en buvant le café. Le grand frère enfourchait son Ciao maquillé et filait retrouver ses potes. La grande sœur s'empressait de se plonger dans un roman qu'elle ne pouvait absolument pas quitter, à quelques pages de la fin. Toujours à quelques pages de la fin. La sœur donnait cinq centimes au petit pour la remplacer à la corvée vaisselle. Le grand frère payait mieux, le double même. Le petit engraissait le cochon de la Banque cantonale, car il savait faire monter les enchères. Et puis, stupeur, un jour, le gagne-pain a disparu. Les parents avaient investi dans la machine. Il regardait ronronner le lave-vaisselle, conscient de l'injustice de la situation. Depuis, il a renoncé à négocier ses augmentations de salaire. Le rêve du capitalisme s'était effondré.

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