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«La chanson d’Anita», l’air du temps de Catherine Favre

Découvrez la chronique «Air du temps» de Catherine Favre

16 août 2019, 05:30
AirDutemps-CatherineFavre

Elle était arrivée en cours d’année scolaire. «Je vous présente Anita», nous avait dit l’enseignante, «elle vient de Lecce, en Italie.» Les garçons l’avaient aussitôt surnommée Anita-lait-de-chèvre.

A mes yeux, cependant, elle incarnait le comble du romantisme avec son visage pâle d’enfant Madone, son regard rêveur et la clé de sa maison autour du cou.

Nous sommes devenues inséparables, deux gamines de 8 ans timides, taiseuses. Pas de fou rire de fille entre nous, ni de babillages insouciants. Mais elle chantonnait, toujours la même rengaine italienne, que je savais par cœur. C’était beau.

Mon amie habitait à la rue du Progrès, un vieil appartement suintant le renfermé. Les toilettes? Un cagibi entre deux étages, sans eau courante. En pensant à ma petite Madone dans ce gourbi insalubre, mon cœur se serre.

Puis, à la veille des vacances, elle m’annonça qu’elle rentrait au pays. Le jour venu, j’étais à la gare pour les adieux. A cette époque, à La Chaux-de-Fonds, il y avait des trains directs pour l’Italie pendant les vacances horlogères. Des dizaines de familles immigrées étaient agglutinées dans le hall au milieu d’un barda de valises pleines à craquer. Et ça tchatchait, Et ça riait. Oubliés le dur labeur, les humiliations, les rudes hivers.

Une joyeuse smala entourait la petite Anita. Je n’ai pas osé m’approcher. Ce jour-là, l’étrangère, c’était moi. Mais quand le groupe se mit à chanter notre chanson, je n’oublierai jamais son visage irradié de joie.

A la rentrée, sa place resta vide à l’école. Et aujourd’hui encore, sa chanson me trotte dans la tête comme une promesse de vie heureuse pour tous.

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