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Nouvel éclairage sur les horlogers anarchistes du vallon de Saint-Imier

L’historien Florian Eitel, du Nouveau Musée de Bienne, remet les anarchistes dans leur contexte local, mais aussi international.

23 janv. 2019, 11:53
/ Màj. le 23 janv. 2019 à 13:00
Adhémar Schwitzguebel, de Sonvilier, est une des figures de l’anarchisme moins connue que le révolutionnaire russe Michel Bakounine, mais il a été particulièrement actif dans le contexte de l’industrialisation de Saint-Imier.

Une fois de plus, les anarchistes du vallon de Saint-Imier font l’objet d’un livre qui apporte une nouvelle pierre à l’édifice de la connaissance de ce mouvement qui a connu son heure de gloire à Saint-Imier lors du fameux congrès de septembre 1872.

Mardi, ce nouvel ouvrage a été présenté au public à l’occasion de son vernissage à la salle des Rameaux de Mémoires d’ici, à Saint-Imier.

«Intéressant également pour les francophones»

Ecrit par le docteur en histoire et spécialiste des mouvements anarchistes Florian Eitel, il a été rédigé en allemand, la langue maternelle de l’auteur. Cependant, que les francophones se rassurent, l’ouvrage est très richement illustré et agrémenté de documents et de textes d’époque en français.

«C’est une manière de faire honneur à la langue principale des protagonistes de l’époque et aussi de rendre l’ouvrage intéressant pour les francophones également», explique Florian Eitel.

Les horlogers anarchistes du Vallon et leur «Fédération jurassienne de l’Union internationale des travailleurs», peut-être la plus active au monde, ont déjà fait l’objet d’un ouvrage de l’historienne Marianne Enckell.
Madeleine Grawitz, dans une imposante monographie sur Michel Bakounine, consacre aussi un intéressant chapitre à son passage en Erguël et au congrès fondateur de 1872 à Saint-Imier.

Dans la nouvelle Suisse d’après 1848, le Parti radical professait des idées progressistes et ouvertes aux libres rapports économiques.
Florian Eitel, historien

Nous avons demandé à Florian Eitel si son ouvrage apporte un éclairage neuf par rapport à ce qui a déjà été écrit sur la question. Celui qui a consacré énormément de temps à étudier des archives à Mémoires d’Ici, est persuadé que oui. «Notamment parce que j’ai cherché à mettre en perspective l’action des anarchistes avec les conditions de vie et la situation politique locale en regard des événements internationaux.»

Pour Florian Eitel, s’il est vrai que les horlogers-paysans du début des années 1870 ont été les premiers instigateurs de l’anarchisme, l’essor des grandes manufactures a donné une nouvelle impulsion au mouvement dès 1876.

Cette année-là, l’Exposition universelle de Philadelphie avait ouvert les yeux des horlogers suisses sur la mécanisation et la rationalisation du travail outre-Atlantique. Sans les voyages de Sandoz (Tavannes Watch) et Jacques David (Longines) à l’occasion de cette exposition, l’horlogerie locale et suisse n’aurait sans doute pas tenu la distance face à la concurrence des usines américaines, pionnières de la mécanisation et de l’engagement de personnel peu qualifié et à bas coût.

Une sympathie mutuelle

Sans Philadelphie, l’histoire de l’anarchisme aurait également été différente. Il faut comprendre, dit Florian Eitel, que «dans la nouvelle Suisse d’après 1848, le Parti radical professait des idées progressistes et ouvertes aux libres rapports économiques dans le monde. Cela n’est pas étonnant, mais en plus, les ouvriers faisaient en quelque sorte partie de la famille en raison de la proximité de leurs idées.»

Aujourd’hui, cela surprend, mais à l’époque la sympathie mutuelle était telle que Bakounine allait toujours voir son ami le docteur Adolf Vogt, de Berne, lorsqu’il manquait d’argent. Vogt? Un radical bon teint, frère de Karl Vogt, cher au cœur des Genevois.

Mais les difficultés conjoncturelles cycliques ont amené progressivement des options différentes entre radicaux et anarchistes qui sont devenus par la suite totalement antagonistes.
«L’assassinat de l’impératrice Sissi à Genève a été l’une des grandes étapes de cette scission», note un Florian Eitel intarissable sur la question.

Le vernissage de mardi à Mémoires d’Ici a été promis entièrement en français. Par ailleurs, une exposition de documents d’époque relatifs à l’anarchie sera présentée à Espace noir jusqu’au 24février.

Blaise Droz

 

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