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Retour sur l'histoire du Fritz des Rangiers

Le Gouvernement jurassien a décidé de déposer les restes du Fritz des Rangiers dans le petit musée du Mont-Repais, situé à côté du restaurant de La Caquerelle, au col des Rangiers.

10 oct. 2018, 14:58
Les vestiges de la statue du Fritz dans le futur musée du Mont-Repais.

Cachés depuis près de trente ans dans différents entrepôts jurassiens, les vestiges de la statue représentant la «Sentinelle des Rangiers» seront bientôt exposés dans le petit musée régional du Mont-Repais, abrité dans une ancienne chapelle à côté de l’hôtel-restaurant de La Caquerelle à proximité du col des Rangiers. L’idée est de conserver les vestiges en l’état actuel, de ne pas les restaurer et de les présenter dans un contexte historique.

Dans cette perspective, le musée doit être entièrement restauré dans les prochaines années, en lien avec la mise en valeur du patrimoine historique du col des Rangiers, avec un sentier didactique reliant des sites allant de la paléontologie à la Seconde Guerre mondiale. Les responsables du musée lanceront pour cela une campagne de recherche de fonds à partir du 11 novembre prochain, date marquant le centième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale.

Statue édifiée en 1924

La date du 11 novembre 1918 n’est pas innocente, car le Fritz des Rangiers a été édifié en 1924 pour célébrer le dixième anniversaire de la mobilisation des troupes helvétiques dans le Jura pour la garde de la frontière à quelques kilomètres du front franco-allemand de la Première Guerre mondiale.

Le bloc de granit dans lequel le sculpteur chaux-de-fonnier Charles L’Eplattenier a réalisé le monument a été offert par le canton de Neuchâtel, car il avait été trouvé dans une forêt des hauts de Corcelles-Cormondrèche. Une souscription nationale, lancée par la Société jurassienne de développement, avait permis de récolter les 62’000 francs de l’époque (correspondant à près de 400’000 francs en 2018) nécessaires à son édification.

Un symbole de l’occupation

La «Sentinelle» a vite été surnommée le Fritz à cause de l’allure martiale, voire même très germanique, du soldat qu’il représente. Elle a du coup suscité l’irritation des milieux séparatistes jurassiens qui y voyaient le symbole de l’occupation par la Berne à la fois fédérale et cantonale. D’où une première escarmouche en 1964, pour le cinquantième anniversaire de la mobilisation de 1914: le conseiller fédéral Paul Chaudet et le conseiller d’Etat bernois Virgile Moine, venus sur place, sont empêchés de s’exprimer par des militants du groupe Bélier.

Vingt ans plus tard, en juin 1984, les jeunes séparatistes vont encore plus loin dans l’action. Ils renversent purement et simplement la statue qui  mesure six mètres de haut et repose sur un socle de trois mètres. L’intention des militants du Bélier est juste de le décapiter et de s’emparer de la tête, mais la carcasse métallique de la statue entraîne la chute intégrale du Fritz. Dans les semaines qui suivent, le monument est remis sur pied.

La tête disparaît en 1989

Cinq ans après, les jeunes séparatistes en remettent une couche et vont cette fois au bout de leur intention: ils subtilisent la tête et la baïonnette du Fritz et ne laissent sur place que le reste du corps. Ces vestiges sont alors entreposés dans un local des ponts et chaussées jurassiens près de Glovelier. Quant à la tête et la baïonnette, elles resteront cachées durant une quinzaine d’années avant de réapparaître le 24 septembre 2004 à Delémont au cours d’une petite manifestation durant laquelle deux activistes cagoulés du groupe Bélier fracassent la tête et la réduisent en miette.

Un  acte iconoclaste qui a choqué plus d’un Jurassien. Quelques jours plus tard, dans «L’Impartial», un Chaux-de-Fonnier d’origine jurassienne, Jean-Jacques Miserez ne cache pas sa colère: «C’est du talibanisme, j’ai immédiatement pensé aux bouddhas de Bâmiyân, en Afghanistan», explique-t-il, en faisant référence aux grandes statues monumentales détruites en mars 2001 par les fondamentalistes afghans alors au pouvoir à Kaboul.

Conservateur du Musée d’histoire naturelle de La Chaux-de-Fonds, Marcel Jacquat pour sa part ne cache pas son indignation: «Mon plus grand regret est que le canton de Neuchâtel a fait don d’un superbe bloc erratique pour tailler cette statue», lance-t-il avant d’ajouter qu’il souhaitait réclamer un bout de la pierre «pour l’exposer au musée».

Quel avenir pour les vestiges?

En 2008, soucieux d’éviter que le Fritz soit victime de nouvelles déprédations, le Gouvernement jurassien décide de transférer les restes de la statue dans un endroit plus discret et mieux sécurisé. Tout en précisant qu’une réflexion sur l’avenir de ces vestiges sera conduite.

Une réflexion qui aboutira en novembre 2015 à une première décision: «Pas question de ressusciter le Fritz dans sa dimension naturelle», explique alors la ministre Elisabeth Baume-Schneider qui précise qu’une étude historique et sociologique sera menée, en association avec le Musée jurassien d’art et d’histoire à Delémont et le Groupe d’histoire du Mont-Repais, à l’origine du petit musée de La Caquerelle.

A l’époque, ces deux institutions ne cachent pas leur souhait d’accueillir ces vestiges. Aujourd’hui, c’est le petit musée du Mont-Repais qui semble avoir décroché la timbale.

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