Malgré la pluie qui tombe sur la forêt d'Outremont, au-dessus de Saint-Ursanne, et le vacarme des machines forestières qui l'entourent, le puissant franches-montagnes reste parfaitement calme. Attelé à un jeune sapin qu'un bûcheron entame à la tronçonneuse, il s'apprête à mettre l'arbre à terre. Il le tirera ensuite sur une dizaine de mètres de terrain accidenté, jusqu'à la piste où une machine l'ébranchera et le débitera.
Une cinquantaine de professionnels du cheval ou de la forêt venus de toute la Suisse ont assisté hier à ce chantier forestier pilote, placé sous l'égide du canton du Jura. Objectif de l'opération: prouver par une expérience en conditions réelles que l'utilisation du cheval en complément des machines forestières «peut être viable économiquement», explique Urs Moser, consultant indépendant et mandataire.
«Le cheval présente plusieurs avantages», affirme Patrice Eschmann, responsable des forêts à l'Office de l'environnement du canton. Tout d'abord, sur le plan du développement durable, il permet de minimiser les dégâts faits à la forêt lors de chantiers, tant au niveau des sols que des arbres restant. Ensuite, il épargne au bûcheron de pénibles efforts au moment de l'abattage, puisque c'est le cheval qui tire l'arbre à terre. Enfin, il permet de créer des liens avec les milieux agricoles. «Le cheval franches-montagnes est un emblème du Jura, il faut le mettre en avant.»
Hier pourtant, seuls deux des quatre chevaux présents étaient des franches-montagnes, les autres provenant de Belgique. Pas facile en effet de trouver des bêtes et des gens formés à cette technique pratiquement oubliée. «Mais durant le second chantier pilote, l'année prochaine, nous formerons deux jeunes gens, puis sans doute d'autres plus tard», note Urs Moser. Car pour que l'utilisation du cheval soit rentable, il faut que chevaux et conducteurs soient parfaitement formés à cette tâche, «ce qui demande des centaines d'heures de travail», explique Patrice Eschmann.
Tout cela ne sent-il pas un peu la nostalgie? «Absolument pas», rétorque Urs Moser. «A l'époque, on utilisait trois ou quatre chevaux pour un seul arbre, alors qu'aujourd'hui, c'est un cheval par arbre, plus petit. Et l'animal n'est utilisé que pour tirer le tronc hors de la zone impraticable pour les machines. Ensuite, ce sont elles qui prennent le relais.» /NHE