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La Ferrière: l'élu qui (re)vient de loin

Entré en fonction au Conseil communal de La Ferrière le 1er janvier, Edmond Akakpo-Manzoni est un ancien réfugié politique. Cet ancien résident du canton de Neuchâtel d’origine togolaise nous parle de son parcours atypique.

01 févr. 2020, 17:00
Edmond Akakpo-Manzoni vit à La Ferrière depuis un an et demi.

Il parle couramment le russe, l’anglais et l’espagnol, mais il est Ferriérois d’origine togolaise... Il s’agit d’Edmond Akakpo-Manzoni, élu au Conseil communal de La Ferrière, en novembre dernier. Depuis son entrée en fonction officielle, le 1er janvier, il s’occupe du dicastère de la protection de l’environnement, de la police des constructions et des contacts avec les sociétés locales.
Installé au Droit-de-Renan, en pleine campagne ferriéroise, le nouvel édile mène une vie relativement paisible auprès de son épouse Natalie et de leurs deux enfants, Aurélie, 15 ans, et Edmond Junior, 12 ans. Si ce n’est qu’en tant qu’ancien réfugié politique, ce Togolais de souche impressionne par son parcours atypique et assez exceptionnel.

Aujourd’hui assistant en soins et santé communautaire dans un home neuchâtelois, le Ferriérois d’adoption a été un chef d’entreprise bardé de diplômes dans son pays natal. Jusqu’au jour où, du Bénin à Soleure, un périlleux périple le mène dans un centre pour requérants d’asile, puis le contraint aux basses besognes pour réintégrer le monde professionnel et remonter la pente.

Vous êtes le premier élu de couleur au sein de l’exécutif de La Ferrière, et visiblement aussi des trois districts jurassiens bernois. Y voyez-vous de nouvelles perspectives en termes d’ouverture d’esprit?

Ce n’est pas un statut que j’ai provoqué, mais j’adore l’action sociale et je me réjouis de pouvoir relever ce défi. A travers l’exemple d’un élu d’une autre couleur né dans un autre pays, je pense que ça montre que s’il y a le potentiel tout est possible. ça crée une ouverture supplémentaire sur le monde extérieur pour les Suisses, tout en permettant à l’autre de croire à sa chance et de la saisir.

Ce qui m’a plu, dans les autorités de La Ferrière, c’est qu’aucun membre n’est rattaché à un parti.
Edmond Akakpo-Manzoni, conseiller communal

Qu’est-ce qui a principalement motivé votre engagement pour la commune?

Je m’étais approché du Parti socialiste lorsque je vivais sur Neuchâtel. Mais après avoir assisté à quelques réunions, je n’ai pas trop croché sur la manière dont ça se passait là-bas et je me suis retiré. Ce qui m’a plu, dans les autorités de La Ferrière, c’est qu’aucun membre n’est rattaché à un parti. Et par rapport à mon passé, je n’ai pour le moment plus envie d’avoir moi-même un quelconque rattachement. Même si je m’intéresse toujours à tout ce qui concerne la politique...

Racontez-nous pour quelles raisons, exactement, vous avez fui le Togo?

Quand je me suis intéressé à la politique, en 1998, je suis entré dans un parti politique d’opposition. Je suis alors devenu activiste, afin de combattre la dictature et la corruption d’un pays où les droits des personnes ne sont pas respectés. Ce régime ayant des milices, des forces de police avaient pour mission de me liquider. Mais grâce à une connaissance qui m’a vendu la mèche, j’ai pu fuir de nuit pour aller m’installer au Bénin pendant deux ans.

Avez-vous souffert du racisme à votre arrivée en Suisse?

Non. On ne peut en tout cas pas parler de racisme après l’avoir connu pendant plusieurs années en Russie, qui était encore l’URSS (Union des républiques socialistes soviétiques), à cette époque. Les gens ne sortaient pas du pays. Ils n’avaient pas de contacts avec les pays africains, et quasiment jamais affaire à des personnes de couleur. Entendre des propos discriminatoires, ça arrivait jusque dans l’ascenseur du foyer des étudiants, par exemple. Ce qui m’a en revanche blessé, en Suisse, c’est de n’avoir pas pu accéder à un travail en adéquation avec mes compétences. Ça m’est longtemps resté en travers de la gorge...

Qu’est-ce qui a incité votre demande d’asile à la Suisse?

Je lisais beaucoup sur tous les pays du monde, et j’ai toujours aimé la politique de la Suisse. Je savais que les droits de l’homme y étaient respectés. Je ne me voyais pas faire cette demande à la France, par exemple, sachant que sa politique influence passablement celle de nos pays africains. S’il y a aujourd’hui des problèmes au Togo, c’est aussi parce que la France est quelque part là derrière.

A travers l’exemple d’un élu d’une autre couleur né dans un autre pays, je pense que ça montre que s’il y a le potentiel tout est possible.
Edmond Akakpo-Manzoni, conseiller communal

Et votre déménagement de Neuchâtel à La Ferrière?

On y passait nos week-ends dans un chalet, depuis plusieurs années, et on a eu envie de venir habiter ce coin, qu’on considérait un peu comme le paradis sur Terre avec sa belle nature et son calme. On s’est donc mis à retaper notre chalet pour pouvoir nous installer.

Le dicastère dont vous avez hérité vous convient?

A coup sûr! Etre en relation avec les sociétés locales favorise les rencontres, et je suis tout à fait sensible à la question environnementale. Ma voiture est d’ailleurs au moins de couleur verte (rires).Par contre, j’admets ne pas encore connaître grand-chose dans la construction. Je suis justement en train de me documenter pour pouvoir être à la hauteur.

Avez-vous déjà empoigné un dossier?

Celui des fosses septiques, qui était déjà en cours dans le domaine de la construction. En ce qui concerne l’évacuation des eaux usées, beaucoup de citoyens ne les ont pas encore mises à jour. On a donc déjà envoyé des courriers.
Il semble que vous soyez à nouveau en relation étroite avec votre pays d’origine, pour lequel vous vous engagez à l’échelle humanitaire.

Par l’intermédiaire de mon association Prendre-soin, je suis effectivement en train de finaliser la construction d’un centre médical, qu’on espère bien ouvrir en octobre prochain. En parallèle, je m’occupe aussi de l’Association de soutien aux orphelinats du Togo. 

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