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Renan n'est pas Versailles

01 sept. 2011, 09:51

Renan n'est pas Versailles. Et alors? C'est vrai que le métier de restaurateur d'art-conservateur paraît à priori, sous nos latitudes, aussi singulier que celui d'horloger-pâtissier. Mais il ne condamne pas pour autant son homme à restaurer à vie des clédars et des toupins plutôt que des plafonds peints par Le Brun ou des marbres roses au Trianon.

Renan n'étant pas Versailles, il arrive donc fréquemment que Roland von Gunten doive se déplacer pour son travail. Ce jeudi, il part pour Paris, et à la fin du mois pour Berlin. Bien sûr que c'est épatant! Bien sûr que ça vous aurait vite donné un goût de mignardise avalée avec une lampée de champagne, ce métier raffiné qui promet à ses candidats des études longues pour des débouchés rares, en exigeant des connaissances en histoire de l'art mais aussi en physique, chimie et techniques diverses. Alors à vous Paris, Berlin!...

Liberté

Prestige? Chez lui, pas l'ombre: Roland von Gunten ne parle, à mots mesurés et sereins, que de chance, d'indépendance et de plaisir. La chance, celle d'avoir appris la restauration d'art quand la formation offrait encore un large spectre (alors qu'elle oblige aujourd'hui à se spécialiser tôt), et de l'avoir abordée en familier du milieu: son père, doreur, était aussi propriétaire d'une galerie d'art à Thoune. «Je ne voulais pas reprendre l'atelier de mon père mais ça me plaisait d'aller dans cette direction. Vers quelque chose qui me permette de travailler dans ce domaine, en gardant ma liberté.»

Un restaurateur d'art - dira l'Académie - est tenu de «cultiver un goût prononcé pour l'ancien». Ceux que cette idée fait d'avance bâiller au fond de la classe devraient plutôt visiter l'atelier de Roland von Gunten, ou le suivre sur ses chantiers. Ce qu'il restaure en ce moment chez lui traverse les siècles à pieds joints (bas-reliefs en bois du 16e, tableaux du 20e). A Berlin, il soigne aux petits oignons, régulièrement depuis quatre ans, la façade de l'ambassade de Suisse qui souffre de coulées de rouille et de fissures dues à l'oxydation d'un mélange de graviers exposés à l'humidité. Il travaille régulièrement avec Diener & Diener, architectes de renom.

Dans chaque cas, l'examen approfondi de l'objet (une façade, un bâtiment, une peinture, fresque, fontaine) et sa documentation sont les bases de décision; le travail est souvent d'équipe (confrères, architectes, Service des monuments historiques, EPFL, musées), «les techniques et les produits évoluent, chaque objet est différent, avec de nouveaux problèmes.» En fait, restaurateur-conservateur est un métier... moderne. En restant un artisanat patient, rigoureux

Le plaisir en option

«A l'étranger, je travaille et je conseille», dit Roland von Gunten. «J'ai un peu élargi mon champ d'activités, ce qui me permet d'avoir autant de plaisir à travailler qu'il y a 40 ans!» Ah oui, le plaisir, mot-clé. Qui peut aussi avoir un goût d'aventure, quand apparaissent par exemple, sous un enduit banal, des fresques de 1530 ou un superbe plafond gothique…

Ce sont des émotions que Roland von Gunten connaît. Et des restaurations qu'il aborde avec des égards contemporains: en fait, aujourd'hui, le souci de conserver passe avant celui de restaurer. Quand on ne sait pas, on n'invente pas. Les «silences» d'un objet raconteront comment il a traversé le temps. Et les interventions, quand il y en a, doivent tant que possible être réversibles. En d'autres termes, elles inclinent au respect et à l'humilité.

Le plaisir est en option. A Renan aussi bien qu'à Versailles, la preuve! / FBE

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