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Des cafés mortels pour échanger

Depuis 2004, Bernard Crettaz propose des cafés mortels. A la carte, pas de breuvages empoisonnés, mais des moments de discussion autour d'un verre pour parler de la mort et du deuil. Deux rencontres de ce type se dérouleront dans la région.

19 mars 2011, 11:45

Bernard Crettaz a déjà animé une soixantaine de cafés mortels en Suisse, en France, en Belgique et même au Québec. Il viendra dans la région pour donner la parole à la mort. Jeudi prochain à Renan et le lendemain à Saint-Imier. Extraits d'une interview du sociologue, réalisée l'automne dernier, au terme d'un café mortel proposé à Bienne.

Bernard Crettaz, vos cafés mortels ont lieu dans des bistrots, des lieux où on boit, où on rit. Est-ce vraiment l'endroit opportun pour parler de la mort?

Le choix du lieu est déterminant. Dans cette sociabilité spontanée du bistrot, nous sommes tous appelés à un moment ou à un autre, autour d'une table, avec des amis, parfois, et même souvent avec des inconnus, à dire des choses capitales de notre vie. C'est ce mélange que le bistrot autorise, entre la profondeur et la légèreté, qui m'intéresse.

Pourquoi est-il si important de parler de la mort?

Dans toutes les sociétés traditionnelles avant nous, on parlait de la mort. J'aime bien rappeler que, conservateur de musée, j'avais dans mes collections des berceaux d'enfants sur lesquels il était écrit «Aujourd'hui au berceau, demain au tombeau» ou bien «Tu nais pour mourir». Cette communication normale, qui se faisait au travers de tous les âges de la vie, a pris fin un jour. Je dirais après la Deuxième Guerre mondiale, avec la société de consommation.

On a voulu occulter la mort?

Oui, la mort a été marginalisée, mise de côté. On n'en a plus parlé aux enfants et perdu un savoir-faire mortuaire, de type rituel, qui était capital. Le corps mort s'est éloigné des gens. Parfois, on ne voulait plus le voir ni le toucher. Et on a payé très chèrement l'illusion de pouvoir faire taire la mort et supprimer les rites. On l'a payé au niveau des deuils qui ne se font plus et des manifestations pathologiques. En Occident, moins on a parlé de la mort plus elle a hanté les esprits. Depuis une vingtaine d'années, par différents canaux, la mort revient cependant en force et je trouve cela extrêmement bien.

Lors de ces échanges, vous êtes un animateur de débat, le sociologue que vous avez toujours été ou un thérapeute?

Rien de tout cela. Ni spécialiste, ni sociologue, ni thérapeute. Banalement, j'ai dû apprendre mon boulot. Lentement, patiemment.

Et ce boulot, il consiste en quoi?

C'est faire une brève introduction pour dire comment est né ce type d'expérience et qui je suis. C'est ensuite assurer le rôle de passeur de paroles.

En initiant des cafés mortels il y a sept ans, qu'espériez-vous?

Plusieurs choses. D'abord que des personnes osent dire des secrets qu'elles n'avaient jamais osé dire à personne. Il faut oser dire ces secrets qui nous tyrannisent pour s'apercevoir ensuite qu'ils ont cessé d'être dans ce fantasme totalitaire qui nous envahi. J'espérais ensuite que mettre des mots sur des réalités dramatiques liées à la mort était une sorte de rite de passage. Et, effectivement, pour beaucoup, réussir à mettre des mots sur l'indicible, c'est très salvateur. Parce qu'on a perdu un enfant, un père ou une mère, on pense être seul dans notre souffrance. Avec les cafés mortels, on s'aperçoit que des gens vivent la même chose que nous. Cela banalise ce qu'on vit et lui donne une dimension solidaire. /NHA

Jeudi 24 mars (20h) au Cheval Blanc de Renan, vendredi 25 mars (19h30) à la Taverne d'Espace noir à Saint-Imier

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