Il m'arrive, parfois, de m'accouder au comptoir d'un bar et de regarder la ville passer. Juste pour voir ces gamins, qui pourraient être mes enfants, arpenter la terre au fil du temps avec cette insouciance propre à leur âge.
Ils découvrent la vie, ils cherchent des réponses. C'est l'heure de la découverte, de la peur aussi. Ils disent les blessures et le désarroi, et pourtant ils nous apprennent encore que l'absolu est bien de ce monde. Je leur fais confiance car sans confiance il n'y a pas de liberté. Ils ne cessent de miser avec cette ferveur qui les caractérise parce qu'ils croient à chaque fois qu'ils vont gagner. Sur la pointe des pieds, je m'approche de ce vertige dans lequel ils nagent. Parfois à ne rien faire, parfois à ne rien dire. Avant que le temps ne tombe sur nous, comme un mauvais manteau étouffant le rêve, j'ai envie de leur dire que moi aussi, j'ai échoué à vouloir dégrafer un corsage, leur dire encore que moi aussi j'ai joué à la marelle car je voulais atteindre le ciel mais je me suis retrouvé à maintes reprises en enfer.
Il m'arrive parfois de lancer les dés vers le ciel de l'existence pour avoir une nouvelle chance; c'est le seul moyen de rester en contact avec ces ados qui sont mes gamins. Il m'arrive alors d'éprouver ce tremblement que provoque la rencontre et qui me rend si vivant.
