Jean-Marcel est littéralement passionné de nouvelles technologies. Il a décidé de doter sa maison familiale des derniers outils disponibles, avec comme ambition de devenir le premier citoyen de sa commune à pouvoir littéralement «télécommander sa vie». Le hic, et il est de taille, c’est que son voisin direct Agron est un élu qui n’apprécie guère les dômes qui fleurissent sur les façades, lesquels augurent selon lui une surveillance digne de «1984».
Lors de la séance du Conseil communal, Agron, hors de lui, relate à ses collègues le véritable calvaire qu’il vit au quotidien. Il exige immédiatement une décision de retrait de la caméra litigieuse. Le Conseil, désireux d’éviter de faire prospérer le tempérament irascible de cet élu, acquiesce.
C’est ainsi que Jean-Marcel reçoit une lettre incendiaire au terme de laquelle un délai de 24 heures lui est imparti pour démonter toutes les caméras qui filment le domaine public. Seules celles qui sont destinées à filmer sa propriété seront tolérées et un contrôle par la police est d’ores et déjà prévu. Or, Jean-Marcel n’a guère l’habitude de s’en laisser conter. Il fait appel à son vieux camarade de régiment, aussi féru que lui de gadgets en tous genres. Celui-ci a lu à Lausanne le compte rendu d’une décision de justice (arrêt de la CDAP du 19 novembre 2019 AC.2018.0374) qui pourrait être d’un grand secours pour Jean-Marcel.
La solution la plus simple consisterait toutefois à adopter une norme cantonale autorisant formellement le retrait de telles caméras
Voici en substance son contenu: la vidéosurveillance du domaine public par des particuliers est soumise à la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD). Cette dernière n’attribue toutefois pas aux cantons et aux communes la compétence de statuer sur la conformité d’un système de vidéosurveillance au regard de ladite législation.
Quant à la loi cantonale, elle n’est pas applicable au traitement de données personnelles effectué par des particuliers. En l’absence de disposition cantonale ou communale traitant de la vidéosurveillance du domaine public par des particuliers, une décision d’ordonner le retrait d’une caméra installée par des privés doit être frappée de nullité. L’issue serait identique dans un canton qui ne dispose pas d’une base légale idoine, à l’instar des communes.
Est-il dès lors impossible d’obtenir un retrait d’une telle caméra? En se fondant sur les dispositions de la LPD et sur les dispositions du Code civil, la collectivité publique pourra tenter d’obtenir gain de cause. La solution la plus simple consisterait toutefois à adopter une norme cantonale autorisant formellement le retrait de telles caméras, qui tendent de surcroît à se multiplier.