Votre publicité ici avec IMPACT_medias

Un pique-nique pour s'évader

30 juin 2011, 10:02

L'évasion, lundi après-midi après un pique-nique (!) dans la région de Provence (VD), de Jean-Louis B., le très dangereux assassin et violeur récidiviste, serait le fait d'une incompréhension de langage entre la section bernoise de l'application des peines et des mesures (autorité responsable du détenu) et la direction de l'Etablissement d'exécution de peines (EEP) de Bellevue, à Gorgier, où séjournait l'évadé depuis 2009. Lorsque les deux organes évoquaient les sorties «humanitaires» du détenu, ils ne semblaient pas parler des mêmes choses. C'est du moins l'hypothèse du conseiller d'Etat Jean Studer, qui n'a pas manqué de remettre en question le bien-fondé de ce type d'excursions. Sorties qui font davantage penser au bucolique «Déjeuner sur l'herbe» d'Edouard Manet qu'à une réelle prise en charge d'un dangereux repris de justice.

Un pays, trois concordats

Visage fermé, entouré de la cheffe du Service pénitentiaire Valérie Gianoli et du commandant de la Police neuchâteloise André Duvillard, le ministre de la Sécurité a tenté d'expliquer, hier devant les médias de tout le pays, l'invraisemblable flou qui règne dans l'exécution des mesures d'encadrement, de soutien et d'élargissement dont bénéficie tout détenu en Suisse.

Selon les termes du concordat latin (cantons romands et Tessin), «les sorties accompagnées le sont soit avec un policier, soit un assistant social, soit avec un ou deux agents de détention. L'accompagnement n'est pas standardisé; il est fonction du motif de la sortie et de la dangerosité du détenu», indique Jean Studer. Qu'en est-il du concordat de la Suisse centrale, duquel ressort le canton de Berne? Les agents sont-ils aussi désarmés, comme les latins? Lorsqu'on accompagne un détenu très dangereux, la police - armée, elle - est-elle associée d'office à la sortie? Ni le conseiller d'Etat en charge de la Sécurité, ni la cheffe du Service pénitentiaire ne sont en mesure de répondre. D'où l'interrogation de Jean Studer: «Les Bernois ont-ils pensé sans le dire que, à l'évidence, des policiers accompagneraient cette sortie?» Toute l'intrigue de cette invraisemblable légèreté dans la prise de décisions réside dans cette inconnue.

Devoir des Neuchâtelois

Effectivement, dans la pensée de Christian Margot, de l'Office de la privation de liberté et des mesures d'encadrement du canton de Berne, il ne fait aucun doute que «pour la question des armes, c'est à l'institution concernée de déterminer le degré de sécurité nécessaire. C'est à elle de contrôler ce qu'elle fait!» Et le chef de la section bernoise de l'application des peines et mesures de préciser: «Je ne dis pas que cela n'aurait pas pu se passer dans le canton de Berne, mais, ici, nous décidons combien de personnes doivent accompagner un détenu.»

A la décharge de l'EEP de Bellevue, il convient de relever que ce type de sortie «humanitaire» n'a pas cours pour les détenus placés sous l'autorité neuchâteloise. «Et ce ne sera pas le cas tant que je serai à la tête du Service pénitentiaire», jure Valérie Gianoli. Par ailleurs, en poste depuis ce mois de février seulement, elle avait envisagé, sur la base de son dossier, le transfert de ce Jurassien de 64 ans dans un autre canton.

Enquête administrative

Loin de ces considérations, le fuyard est toujours introuvable malgré les efforts conjoints des polices vaudoise et neuchâteloises et des gardes-frontière. «Nous avons vérifié tous les éventuels points de chute de B. qui a de la famille un peu partout en Suisse romande», relève André Duvillard.

Dans l'immédiat, toutes les demandes de sortie, congé ou permission des détenus de la prison de Gorgier sont gelées en vue d'être réévaluées. Par ailleurs, le Conseil d'Etat neuchâtelois envisage d'ouvrir une enquête administrative afin de déterminer dans quelles circonstances cette sortie sous forme de conduite (soit avec des agents non armés) a été décidée.

Votre publicité ici avec IMPACT_medias