C’est que les places autour de la table sont limitées en cette période; on se presse, on se bouscule presque, mais les animatrices s’empressent de rassurer tout le monde, il y aura plusieurs groupes répartis dans l’après-midi, chacune et chacun aura sa chance de décrocher le gros lot!
Je dois avouer que j’en ai vu défiler des joueurs de loto.
Les joueurs sont maintenant bien installés, le cérémonial peut enfin commencer: d’abord, chacun choisit sa carte et pas n’importe laquelle:
- Il me faut mon année de naissance, dit un monsieur.
- J’aime bien avoir le nombre 4 car j’ai 4 enfants!, ajoute une dame.
- Et moi j’habite à Couvet, donc le 20 et le 8 pour le numéro postal…
Les grigris sont placés bien en vue… On ne sait jamais, la chance il faut parfois la provoquer. Ah, il ne faut pas oublier les caches, 15 pour chaque joueur, si on veut être sûr de «faire la carte».
Et la palette de lots: des chocolats, des biscuits, des produits cosmétiques, quelques bijoux fantaisie! La caverne d’Ali Baba regorge de trésors prêts à trouver acquéreur.
La partie peut alors commencer: plus un bruit dans l’assistance; les résidents sont concentrés, les animatrices aux aguets afin d’aider les personnes qui en ont besoin. Les tours s’enchaînent: quine, double quine, carton, émotion, 13 la Thérèse, coup de sac! Tout un jargon propre à ce divertissement tant apprécié.
En presque 30 ans d’expérience auprès des personnes âgées, je dois avouer que j’en ai vu défiler des joueurs de loto: des ronchons qui ne gagnent jamais, des enthousiastes qui croient avoir gagné dès que je crie 3 numéros, les chanceux qu’il faut escorter jusque dans leur chambre car les lots débordent de leurs déambulateurs…
Je me dis avec nostalgie, qu’un jour, cette passion si helvétique va bien disparaître des homes, qu’il faudra trouver à remplacer cet après-midi par autre chose que la chance…
Mais non, ça continue, et c’est tant mieux… carton!