Le palmier de la prison de Gorgier, symbole d’évasion, est-il condamné à ne rester qu’un songe? On est tenté de le penser, tant le parcours de cette œuvre d’art est semé d’obstacles.

«On va attaquer la huitième année», relève Christian Gonzenbach, à qui l’Etat de Neuchâtel a attribué le mandat de réaliser une décoration artistique en lien avec la rénovation de la prison de Gorgier. Le plasticien genevois n’a jamais connu pareil délai. «Je crois même que c’est unique dans l’histoire des œuvres d’art dans l’espace public.»

Prévue initialement aux abords du pénitencier, la sculpture avait suscité une levée de boucliers parmi la population, à laquelle s’étaient associées les autorités communales. Annoncé il y a plus de deux ans, son déplacement au large de la plage de Chez-le-Bart doit permettre de sortir de l’impasse.

«Balle dans le camp de l’Etat»

L’horizon du palmier s’est en partie dégagé en avril dernier. Une étape importante a été franchie puisqu’un permis de construire a été délivré. Pour cela, il a fallu que la commune, désormais La Grande Béroche, rejette une opposition au nouveau projet. Les 27 riverains qui l’avaient signée ont accepté cette décision en renonçant à déposer un recours. «La balle est dans le camp de l’Etat. Ils ont deux ans, soit la validité du permis de construire, pour entreprendre les travaux», précise le conseiller communal François Del Rio.

Les arguments des opposants étaient nombreux. Ils reprochaient un voisinage peu heureux, esthétiquement parlant, entre le futur palmier et le pavillon des bains, une perle du patrimoine architectural. La conformité du projet avec le mécanisme légal du pour-cent culturel était également remise en cause. L’œuvre sera en effet éloignée du bâtiment auquel elle est censée être rattachée: la prison. Les opposants s’inquiétaient aussi que l’installation puisse présenter un risque pour les bateaux et les baigneurs.

Le risque zéro?

Ce dernier argument ne laisse pas les autorités communales insensibles: «Nous avons demandé des garanties s’agissant de l’accès au public», précise François Del Rio. «Le projet doit encore être développé.» L’îlot et son palmier ne sont donc pas près de remplacer le radeau mis à disposition des baigneurs en été. L’élu a «demandé à la personne qui s’occupe du radeau de l’entretenir cet hiver en vue d’une mise à l’eau, comme d’habitude».

La tournure que prennent les événements désempare l’auteur de l’œuvre: «Ça me dépasse un peu. Je n’adhère pas à la politique du risque zéro. Mais dans le monde d’aujourd’hui, plus personne ne veut endosser la moindre responsabilité», constate Christian Gonzenbach. «Il faut trouver une solution pour que l’Etat ne soit pas tenu responsable si un jeune alcoolisé devait tomber du palmier, par exemple.»

Je veux trouver une solution, mais sans dénaturer l’œuvre

Christian Gonzenbach, auteur du palmier

Le budget à disposition, soit 100’000 francs, est un «facteur limitant. Un simple radeau nu coûte déjà 30’000 francs.» Christian Gonzenbach attend des précisions pour savoir ce qui sera réalisable.

«Je fais partie de ceux qui veulent trouver une solution», relève le Genevois. «Mais, si l’on pose des barrières, on va dénaturer l’œuvre. Je ne vais pas non plus mettre des picots sur le tronc du palmier pour empêcher qu’on y grimpe, ça deviendrait un cactus…»

Sur un silo ou un giratoire…

Christian Gonzenbach veut encore croire à son projet. Pas question, donc, d’y renoncer au profit d’une fresque sur le silo à grains de Saint-Aubin-Sauges, actuellement en rénovation. L’idée court en effet de profiter des échafaudages pour peindre un trompe-l’œil. «Cela n’aurait rien à voir. Avec mon projet d’île au palmier, même si l’on s’est éloigné de la prison, on la voit depuis la plage et on aperçoit le palmier depuis la prison.»

Le palmier et son île trouveront-ils refuge au milieu d’un giratoire, sur la route cantonale qui mène à Gorgier? C’est en tout cas la proposition faite par les opposants à l’îlot de Chez-le-Bart…

Nouveau vent contraire sur la sculpture en forme de palmier à Gorgier

Décidément, un palmier n’est pas encore sorti de l’eau à Gorgier. L’œuvre d’art fait l’objet de cinq oppositions de citoyens.