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Neuchâtel et le Jura perdraient des millions s'ils imposaient les frontaliers à la source

Si les frontaliers actifs à Neuchâtel et dans le Jura étaient imposés à la source, les cantons perdraient 5 et 6 millions de recettes fiscales par rapport au système actuel. Une étude de l'Université de Genève le prouve. Elle a été présentée ce jeudi.

22 mai 2014, 12:10
Taxer les frontaliers à la source? Le canton de Neuchâtel serait perdant.

L'étude conduite par l'Université de Genève arrive à cette conclusion, qui a même surpris ses auteurs: modifier le système d'imposition des frontaliers pour imposer ces travailleurs à la source, comme cela se fait notamment à Genève, ferait perdre des millions aux cantons de Neuchâtel et du Jura. Cinq millions en moins pour Neuchâtel, 6 millions en moins pour le Jura.

Sans parler des effets sur la péréquation financière: Neuchâtel et le Jura deviendraient des cantons "moins pauvres" aux yeux de la Confédération, et recevraient ainsi chacun environ 7 millions de francs de moins au titre de la péréquation des ressources. Pourquoi? Tout simplement parce que la masse salariale des frontaliers serait comptabilisée comme une richesse pour ces cantons, contrairement au système actuel, où la Frane rétrocède 4,5% de cette masse salariale aux cantons et aux communes.

L'accord ne sera pas dénoncé

Des chiffres complexes pour un dossier qui l'est tout autant. Ce jeudi, les ministres des Finances des deux cantons, Laurent Kurth et Charles Juillard, présentaient les conclusions de cette étude en compagnie de leur auteur, le professeur Xavier Oberson, et de son assistant Alex Naray. L'étude recommande clairement de privilégier le statu quo.

Les cantons suivront cette recommandation: "Une dénonciation de l'accord conclu en 1983 avec la France n'est pas opportune", indique le président du Conseil d'Etat neuchâtelois. Seule piste qui pourrait être envisagée, mais pas avant une nouvelle étude et plusieurs années de discussions: renégocier à la hausse le taux de rétrocession, fixé à 4,5%. Mais les relations entre la Suisse et la France sont déjà tendues sur le plan fiscal. Pas dit du tout que la France accepterait que ce taux soit revu. Est tout autant impensable, politiquement parlant, une taxation à la source sans rétrocession à la France (elle est de 3,5% à Genève).

Une initiative dans le Jura

"Cette étude nous donnera plus de crédibilité dans les discours que nous tiendrons devant nos parlements", ajoute Laurent Kurth. Plusieurs motions et autres interventions ont en effet été déposées ces dernières années dans les deux cantons venant de l'UDC et du PLR sur Neuchâtel, du PDC et du CS-POP dans le Jura.

Plus ennuyeux pour Charles Juillard: l'UDC a déposé une initiative populaire, munie de 2200 signatures, réclamant une imposition des travailleurs frontaliers à la source. Et à moins qu'il ne réussisse, étude genevoise à l'appui, à convaincre les initiants de la retirer, il faudra bien la soumettre en votation populaire. "Eventuellement, le Conseil d'Etat pourrait proposer un contre-projet, mais je ne vois pas très bien avec quel contenu", relève le ministre jurassien. Qui aimerait bien réussir à boucler le dossier à la fin de cette année ou au début 2015. En tous les cas, des discussions auront lieu avec les initiants.

Déséquilibre du pouvoir d'achat

Car les deux ministres en sont conscients: "La question fiscale contribue au déséquilibre du pouvoir d'achat constaté entre deux personnes effectuant le même travail dans une même entreprise, mais domiciliées de part et d'autre de la frontière", note Laurent Kurth. Et ce déséquilibre est en partie à l'origine, tout comme les nuisances liées au trafic, du sentiment d'une partie de la population que les frontaliers profitent de la Suisse mais ne lui apportent rien en échange. Un sentiment qui s'est constaté dans les urnes le 9 février, avec une europhilie nettement moins marquée que lors de votations précédentes.

Les chiffres sont pourtant là pour le prouver: imposer les frontaliers à la source selon le modèle genevois ferait perdre des millions de recettes fiscales. Il ne faut pas oublier que les frontaliers pourraient faire des déductions importantes sur leur revenu, notamment leurs frais de transports. Et que la Confédération prendrait sa part au passage. Le système actuel de rétrocession ne bénéficie qu'au canton et aux communes.

D'autres éléments peuvent encore être pris en compte: taxer les frontaliers à la source augmenterait par exemple la quantité de travail des services concernés. Pour Neuchâtel, ce travail supplémentaire nécessiterait l'engagement de sept personnes.

Pour rappel, le canton de Neuchâtel compte environ 10'500 frontaliers, le Jura 8200. Les masses salariales brutes qui leur sont versées par leurs employeurs sont de 467 millions dans le Jura (2012) et 717 millions à Neuchâtel (2010, pas de chiffre plus récent disponible). Le système de rétrocession actuel rapporte 21 millions au canton du Jura et 32 millions à Neuchâtel (2010 toujours). Ce sont essentiellement les communes qui bénéficient de cet argent: 3/4 pour les communes neuchâteloises, 90% pour celles du Jura.

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